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Forts d'une expérience solide acquise lors de la guerre dans leur pays où les forces russes sont intervenues, des opposants syriens se mobilisent pour aider les Ukrainiens à soigner les blessés, aider les réfugiés ou se préparer à d'éventuelles attaques chimiques.
Après le début de la guerre en Syrie en 2011, déclenchée par des manifestations prodémocratie, le président Bachar al-Assad a perdu le contrôle d'une partie de son pays jusqu'à ce que les troupes russes viennent à sa rescousse en 2015 pour le remettre en selle.
Le 24 février, l'armée russe a envahi l'Ukraine, entraînant la mort de centaines de civils et la fuite de plus de 10 millions d'Ukrainiens.
Les opposants syriens, qui comme les Ukrainiens s'attendent à ce que les forces russes rendent des comptes pour ces interventions dévastatrices, estiment qu'un "lien" particulier s'est tissé avec eux.
"Vu notre expérience en Syrie, on est probablement parmi les plus à même de comprendre la douleur du peuple ukrainien", affirme à l'AFP Raed al-Saleh, chef des Casques blancs, des secouristes engagés dans les zones rebelles syriennes.
"Les Syriens ont vécu les bombardements, les tueries et les déplacements causés par les forces russes", explique-t-il.
- Hier Alep, aujourd'hui Marioupol -
"Le temps et l'espace ont changé mais les victimes sont les mêmes, les civils, et l'assassin est le même, le régime russe", ajoute M. Saleh.
Lors de la guerre en Syrie, qui a fait environ 500.000 morts, les Casques blancs ont secouru des milliers de personnes des décombres de bâtiments bombardés par les forces russes dans les zones rebelles.
Le sort de la ville ukrainienne de Marioupol (sud-est), assiégée et dévastée par l'armée russe depuis fin février, n'est pas sans rappeler celui d'Alep, deuxième ville de Syrie (nord). En 2016, les quartiers est, aux mains des rebelles, ont été ravagés par des bombardements aériens russes pendant un long siège.
Face aux violences en Ukraine, un groupe d'associations a créé le Réseau Syrie-Ukraine (SUN) qui aide des médecins syriens à aller en Ukraine pour soigner les blessés, explique à l'AFP la coordinatrice, Olga Lautman, une Ukrainienne.
Par ailleurs, "nous allons coopérer avec des experts syriens spécialisés dans les crimes de guerre et les attaques chimiques", dit-elle.
C'est venu d'une "envie des Syriens d'utiliser leur expérience pour aider", dit-elle, parlant du "lien" entre les deux peuples.
Dans la province d'Idleb (nord-ouest), une des dernières régions échappant au contrôle du régime, des médecins de l'Académie des sciences de la santé forment en ligne des confrères et infirmières ukrainiens, raconte son président Abdallah Abdelaziz Alhaji.
Les Ukrainiens veulent surtout en savoir plus sur les attaques chimiques, dit-il. "Ils veulent profiter de notre expérience".
Si pour le moment rien n'atteste de l'utilisation d'armes chimiques russes en Ukraine, les forces syriennes ont plusieurs fois été accusées d'en avoir employé en Syrie.
- "On vous avait prévenus" -
Les Casques blancs font également des tutos vidéos pour apprendre aux Ukrainiens à soigner les blessés.
A la frontière ukraino-polonaise, le Syrien Omar Alshakal, fondateur de l'association Refugee4Refugees, fournit lui une assistance aux Ukrainiens fuyant leur pays.
Pour Charles Lister, du Middle East Institute, les militants syriens "cherchent à surfer sur la vague du sentiment anti-russe pour promouvoir la cause (de l'opposition) syrienne mais aussi pour impulser de nouvelles relations géopolitiques avec l'Ukraine".
Des observateurs ont noté des similarités dans les tactiques des forces russes employées en Syrie et en Ukraine, comme cibler des infrastructures afin d'établir des corridors dits humanitaires et vider les villes de ses habitants.
La question la plus importante pour les militants syriens et les Ukrainiens reste à savoir si Moscou et Damas seront tenus responsables pour leurs actions lors de ces guerres.
"Si Poutine est tenu responsable pour ses crimes en Ukraine, cela signifie qu'il le sera aussi en Syrie. Mais s'il s'en sort, alors le prochain crime n'est juste qu'une question de temps", estime M. Saleh.
Pour l'analyste Emile Hokayem, de l'International Institute for Strategic Studies, "les Syriens veulent embrasser la cause ukrainienne car cela les aide à attirer de nouveau l'attention internationale sur leur propre tragédie et dire aux Occidentaux: +On vous avait prévenus mais vous avez préféré regarder ailleurs+".
P.E.Steiner--NZN