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L'armée birmane s'est totalement retirée de Myawaddy, une ville frontalière stratégique pour le commerce avec la Thaïlande. Une nouvelle défaite majeure essuyée par les militaires, déjà en difficulté depuis plusieurs mois dans le nord et l'ouest de la Birmanie.
Les journalistes de l'AFP présents au poste-frontière thaïlandais ont entendu un bruit sourd en provenance du territoire birman après le survol d'un avion jeudi matin. La veille au soir, ils avaient vu des centaines de Birmans faire la queue pour trouver refuge en Thaïlande.
Jeudi après-midi, tandis que l'afflux dans la ville thaïlandaise de Mae Sot avait diminué, certains comme Sadi, 26 ans, attendaient avec anxiété l'arrivée de membres de leurs familles.
"Je tiens à peu près le coup", a-t-il confié à l'AFP en consultant son téléphone pour avoir des nouvelles de sa fiancée restée en Birmanie.
La Thaïlande a une frontière de 2.400 kilomètres de long avec la Birmanie, où un coup d'Etat militaire en 2021 contre le gouvernement démocratiquement élu d'Aung San Suu Kyi a rallumé le conflit avec les minorités ethniques.
Les combattants de l'Union nationale Karen (KNU) et d'autres groupes opposés à la junte ont déclenché cette semaine une attaque contre Myawaddy.
Cette cité est importante pour les militaires à court d'argent, les échanges commerciaux y ayant atteint plus d'1,1 milliard de dollars en 12 mois jusqu'à avril, selon le ministère birman du Commerce.
"Nous avons défait le bataillon 275 (de l'armée birmane) à 22 heures hier soir", a déclaré jeudi à l'AFP Padoh Saw Taw Nee, le porte-parole de la KNU, ajoutant que quelque 200 soldats s'étaient retranchés sur le pont reliant Myawaddy à Mae Sot et que la KNU contrôlait désormais toute la ville.
- Frappes aériennes -
Jeudi, des militaires thaïlandais étaient en état d'alerte aux côtés de blindés à la frontière sous une température de 37 degrés Celsius.
Des journalistes de l'AFP ont entendu un avion voler en direction de Myawaddy, puis un bruit sourd, vers 10h30 heure locale (03h30 GMT).
Des habitants de Myawaddy ont raconté à l'AFP que l'armée effectuait des frappes aériennes mais qu'ils n'avaient pas vu de combattants du KNU dans les rues.
La prise complète de cette cité serait une défaite humiliante pour la junte, qui a subi une série de revers sur le champ de bataille ces derniers mois. Ceux-ci ont suscité chez ses partisans des critiques à l'encontre des officiers de haut rang.
- "Nous préparer" -
L'analyste indépendant birman David Mathieson a dit à l'AFP qu'il était "encore trop tôt pour déterminer qui contrôle réellement Myawaddy".
Au "Pont de l'amitié n°2", du côté thaïlandais, les camions qui acheminent normalement des médicaments, des biens de consommation et des matériaux de construction en Birmanie étaient à l'arrêt, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Un responsable thaïlandais sur place a affirmé que les points de contrôle étaient ouverts de part et d'autre de la frontière mais qu'aucun véhicule de transport de marchandises ne circulait.
Jeudi soir, observée d'une colline la surplombant, Myawaddy semblait calme, avec des personnes à moto se promenant dans les terres agricoles et les bruits d'un chantier de construction se mêlant au son des cloches d'un monastère bouddhiste.
Le gouvernement thaïlandais doit se préparer à un éventuel afflux de personnes fuyant le conflit en Birmanie, a déclaré à l'AFP le député Kannavee Suebsang au cours d'un déplacement à Mae Sot.
"Nous devons nous préparer. Nous devons planifier. Nous ne pouvons pas simplement ignorer la situation à l'intérieur de la Birmanie".
- Renforts -
La junte birmane envoie pour sa part des renforts vers Myawaddy, ont confié jeudi à l'AFP des sources militaires, sans savoir quand ni comment ils y arriveront, car certaines routes locales sont aux mains des opposants.
Des personnes habitant près de la localité de Kyonedoe, le long de la principale autoroute conduisant à Myawaddy, ont dit à l'AFP avoir vu des dizaines de camions et de chars avec à leur bord du matériel et des centaines de soldats.
La junte n'a pas fait de commentaires sur la situation autour de Myawaddy.
L'armée est soucieuse d'éviter de perdre une autre ville importante, soulignent les analystes, après la reddition humiliante d'environ 2.000 soldats dans celle de Laukkai, à la frontière nord avec la Chine, en janvier.
Trois généraux ont depuis été condamnés à mort pour reddition, selon des sources militaires.
Plus de 2,5 millions de Birmans ont été déplacés depuis qu'a éclaté conflit déclenché par l'éviction d'Aung San Suu Kyi, selon les Nations unies.
"Vivre en Birmanie est devenu difficile maintenant", a témoigné un jeune homme qui vient d'arriver à Mae Sot. "Je me sens plus libre après être arrivé de ce côté-ci".
Les autorités thaïlandaises ont fait savoir qu'elles se préparaient à accueillir jusqu'à 100.000 Birmans.
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D.Graf--NZN