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La rumeur, parmi les déplacés, est montée comme un chant d'espoir au milieu des ruines: dimanche matin, une poignée d'entre eux aurait regagné le nord de la bande de Gaza par la route côtière. Pas l'ombre d'un soldat: presque un jeu d'enfant.
Alors, coeur et pied vaillants, ces exilés de l'intérieur ont jeté tous leurs biens sur leurs épaules, ici un ballot de linge, là un marmot sans chaussures, qui encore un sac de farine.
Et ils se sont lancés par milliers sur le chemin bordant la mer, comme l'ont constaté des correspondants de l'AFP. Le but: rentrer chez eux après des mois d'errance.
"Je ne pouvais plus rester dans le sud, il y a trop de monde. On ne respire pas là-bas. C'était terrible", raconte Basma Salman. Elle ignore ce qu'elle trouvera dans le nord, ni si sa maison tient encore debout.
Sous un ciel de printemps sans nuage, en voiture pour les plus chanceux, à vélo, sur une charrette tirée par une mule, en fauteuil roulant mais le plus souvent en marchant, ils ont parcouru des kilomètres en direction de la ville de Gaza.
Et puis, très vite, la désillusion. De nouveau, les soldats dressés sur la ligne d'horizon.
Dans la journée, l'armée israélienne a fait savoir à l'AFP que non, elle n'a pas autorisé le retour des déplacés dans le nord.
"Le nord de la bande de Gaza reste une zone de combat", a insisté un porte-parole des forces armées.
La moitié des 2,4 millions de Gazaouis ont dû quitter leur foyer et se réfugier toujours plus au sud au gré des frappes et de l'offensive terrestre israélienne déclenchée en riposte à l'attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas en Israël le 7 octobre.
- Checkpoint -
Bombardée, assiégée, la bande de Gaza s'est transformée du jour au lendemain en piège mortel pour ses habitants confrontés à l'exode, au froid et à la faim.
Après six mois de guerre, l'armée a annoncé, le 7 avril, le retrait de l'essentiel de ses troupes au sol, à l'exception d'une brigade. En attendant l'assaut sur Rafah où stationnent les derniers bataillons du Hamas, selon Israël. Et en poursuivant ses bombardements aériens meurtriers.
Un million et demi de Gazaouis s'entassent dans l'extrême sud du territoire selon les Nations unies. Et redoutent de se retrouver une fois encore pris dans les combats.
Alors quand ils ont entendu la rumeur, ils n'ont pas hésité. Partis de Rafah, de Khan Younès ou de Deir el-Balah, ils se sont mis en route.
De l'autre côté, dans le nord, des proches les ont attendus. Comme Oum Mohammed, dont les enfants et petits-enfants ont fui au sud.
"Nous pouvons supporter la faim et les souffrances, mais nous voulons que nos enfants reviennent", dit-elle à un correspondant de l'AFP.
Mahmoud Awdeh, lui, espère revoir sa femme, partie à Khan Younès avec leurs enfants depuis six mois. Au téléphone, elle lui a parlé de la rumeur. "Elle m'a dit qu'elle attendait au checkpoint que l'armée (israélienne) la laisse passer au nord".
Au loin, l'écho de la guerre. L'attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre a entraîné la mort de 1.170 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP fondé sur des chiffres officiels israéliens.
Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 restent retenues à Gaza dont 34 sont mortes, d'après des responsables israéliens.
La riposte israélienne a fait 33.729 morts, également une majorité de civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Finalement, les réfugiés du sud n'auront pas rejoint leur nord vendredi, refoulés par les soldats. A l'image de Nour, un homme d'une trentaine d'années qui l'assure: "Ils laissaient passer des femmes".
E.Schneyder--NZN