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Seul médaillé d'or ukrainien aux JO de Tokyo, élu au Parlement de son pays, le lutteur Zhan Beleniuk pense que les nouvelles restrictions imposées aux sportifs russes par le CIO vont pousser les athlètes de ce pays à boycotter les Jeux olympiques de Paris.
"J'ai lu des articles citant des dirigeants du sport russes, qui disaient qu'ils pensaient à boycotter cette compétition (les Jeux olympiques) en raison des nouvelles conditions du CIO", explique Beleniuk depuis Kiev dans un entretien avec l'AFP.
"Pour nous, c'est une très bonne chose, qu'ils ne puissent pas concourir dans ce genre de compétition, avec nous autres athlètes contre qui ils sont en guerre", analyse le lutteur, né d'une mère ukrainienne et d'un père rwandais, premier métis à être entré au Parlement ukrainien en 2019, sous les couleurs du parti du président Volodymyr Zelensky.
A titre individuel, les sportifs russes et bélarusses peuvent participer sous bannière neutre aux Jeux, aux conditions de ne pas avoir ouvertement soutenu l'offensive lancée en Ukraine par la Russie en février 2022 ou d'être membre d'un club lié aux forces de sécurité.
Malgré ces contraintes strictes que seules quelques dizaines de sportifs semblent être en mesure de respecter, le ministre russe des Sports Oleg Matytsine avait semblé éloigner mi-mars la perspective d'un boycott.
Mais depuis, le Comité international olympique (CIO) a également exclu Russes et Bélarusses de la parade d'ouverture, suscitant l'ire de Moscou pour qui l'instance internationale a "basculé dans le racisme et le néonazisme".
"Aujourd'hui, on voit que la Russie n'est pas d'accord avec" cette participation sous conditions, "comme nous". "Donc l'étape suivante pour le sport russe, c'est le boycott, et c'est une bonne chose", analyse Beleniuk, 33 ans.
Avant même 2022, la vie de Zhan Beleniuk avait déjà été frappée de plein fouet par la guerre: son père, Vincent Ndagijimana, a été tué lors du génocide rwandais de 1994, alors qu'il était rentré dans son pays.
- "Beaucoup plus forts" -
L'invasion russe lui a rappelé ses cauchemars passés, confie Beleniuk à l'AFP. "J'ai pensé à tout ça. A la réalité de ma vie. Ma mère, mon père, la guerre, se rappeler qu'on n'a qu'une vie".
"J'ai grandi en Ukraine, donc c'est un peu difficile de se rendre compte de cette histoire, de ce génocide qui a fait des centaines de milliers de morts il y a seulement 30 ans", reconnaît-il.
Beleniuk lui-même s'est rendu sur la tombe de son père au Rwanda en 2017, un an après avoir déjà obtenu une médaillé d'argent aux Jeux olympiques de Rio.
"Mes proches au Rwanda avaient entendu parler d'un type venant d'Ukraine avec des racines rwandaises et qui avait remporté une médaille", se souvient-il.
Il avait même rendu visite au président du comité olympique rwandais et au ministre des Sports pour leur montrer sa médaille et "que le pays en ait enfin une aux Jeux olympiques".
Sans établir de parallèle entre le conflit qui ravage actuellement son pays au génocide qui a fait au moins 800.000 morts au Rwanda, Zhan Beleniuk dénonce "les actes de terreur de l'armée russe" en Ukraine.
"Aujourd'hui encore, ces temps terribles continuent pour nous, mais nous tâchons de faire de notre mieux pour survivre et conserver notre Etat", avance-t-il.
"Nos athlètes sont beaucoup plus forts qu'il y a deux ans", veut-il croire. "Ils ont grandi de 10 ans en s'inquiétant pour la sécurité de leurs proches, pour leur propre sécurité et pour leur avenir. Ce sont devenus des sportifs adultes."
L.Rossi--NZN