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Le procès de l'une des figures les plus radicales de l'extrême droite allemande, Björn Höcke, jugé pour l'utilisation d'un slogan nazi, a débuté jeudi dans l'Est du pays, où le mouvement espère bientôt s'imposer lors de scrutins régionaux clés.
Chaotique, la première audience visant le dirigeant de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) a été interrompue à plusieurs reprises par différentes requêtes de ses avocats.
Ils souhaitaient notamment que tout soit enregistré en raison de la "dimension historique" du procès, qu'ils veulent "équitable". Une demande rejetée par le tribunal.
Furieux d'être continuellement empêché de lire l'acte d'accusation, l'un des deux procureurs, Benedikt Bernzen, a reproché aux avocats leur comportement perturbateur. "C'est scandaleux", a-t-il dit.
Esquissant un léger sourire, M. Höcke, vêtu d'un costume sombre et portant une cravate bleu ciel, est entré en fixant longuement les procureurs dans la salle d'audience.
Quatre mois et demi avant des élections en Thuringe, région de l'ex-RDA communiste où Björn Höcke rêve d'accéder au pouvoir, ce procès à Halle, dans le Land voisin de Saxe-Anhalt, est particulièrement suivi. Des élections sont aussi prévues à l'automne en Saxe et dans le Brandebourg.
Quelques centaines de manifestants, brandissant des banderoles avec les inscriptions "stopper l'AfD" ou "Björn Höcke est un nazi" et criant des slogans contre l'extrême droite, se sont rassemblées devant le tribunal entouré de forces de police.
L'un de ses principaux candidats aux élections européennes de juin a aussi été accusé d'avoir touché de l'argent d'un réseau de propagande financé par Moscou.
- Enseignant d'histoire -
Björn Höcke est jugé pour avoir déclaré "Tout pour notre patrie, tout pour la Saxe-Anhalt, tout pour l'Allemagne", lors d'un meeting électoral fin mai 2021 à Merseburg, non loin de Halle.
Or, "Tout pour l'Allemagne" était une devise utilisée par les SA, formation paramilitaire du parti nazi qui a joué un rôle essentiel dans la conquête du pouvoir de Hitler.
M. Höcke, 52 ans, qui a notamment enseigné l'histoire pendant quinze ans au lycée, affirme ne pas l'avoir su.
En Allemagne, où la loi interdit formellement l'utilisation de slogans nazis ou l'exhibition en public de symboles du IIIe Reich, ce délit est passible de jusqu'à trois ans de prison.
- "Monument de la honte" -
Une condamnation pourrait théoriquement compliquer la candidature à l'élection de M. Höcke, habitué des provocations verbales.
En janvier 2017, il avait qualifié le Mémorial de la Shoah à Berlin de "monument de la honte" et son exclusion du parti avait été envisagée.
Raie sur le côté, cet homme svelte au regard bleu acier plaide pour rompre avec la culture de repentance des crimes nazis, fondement de l'après-guerre dans le pays.
M. Höcke a grandi dans l'ouest de l'Allemagne au sein d'une famille épousant les thèses d'extrême droite.
Le printemps 2013 a marqué le point de départ de l'ascension politique de ce père de quatre enfants: il a été membre fondateur de la section régionale de l'AfD en Thuringe, où il avait déménagé cinq ans plus tôt.
En août de la même année, il en est devenu le président. En raison de positions très extrêmes, l'AfD de Thuringe, comme celle de Saxe-Anhalt, ont été placées sous la surveillance des services de renseignement.
"Pour les électeurs de cette région, une condamnation de Höcke par le tribunal ne changera rien car ils sont convaincus que les institutions démocratiques lui en veulent", relativise toutefois auprès de l'AFP Johannes Kiess, politologue de l'Université de Leipzig, en Saxe.
"En revanche, pour les sympathisants de l'AfD de l'ouest du pays, ce procès écorne l'image du parti", ajoute M. Kiess.
Avant le scrutin européen, M. Höcke s'applique ainsi à dédiaboliser son image. Lors d'un duel télévisé il y a une semaine, il a prétendu que le concept de "remigration" de son parti visait à faire revenir les Allemands vivant à l'étranger et non à expulser les étrangers d'Allemagne.
D.Graf--NZN