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De l'ONU aux Eglises chrétiennes, les appels se sont multipliés mardi pour exhorter le Royaume-Uni à renoncer à expulser des demandeurs d'asile vers le Rwanda, après l'adoption par le Parlement d'une loi qualifiée d'"historique" par le Premier ministre Rishi Sunak.
Après des mois de bataille, le Parlement britannique a approuvé dans la nuit de lundi à mardi ce projet de loi permettant l'expulsion de demandeurs d'asile entrés illégalement au Royaume-Uni, qui doit désormais recueillir le sceau royal - une formalité - avant d'entrer en vigueur.
Le gouvernement conservateur espère débuter les expulsions "d'ici 10 à 12 semaines".
Au petit matin, Rishi Sunak s'est félicité de l'adoption d'une législation "historique" qui "établit clairement que si vous venez ici illégalement, vous ne pourrez pas rester".
L'ONU a demandé à Londres de "reconsidérer son plan", dénonçant des lois britanniques "de plus en plus restrictives qui ont érodé l'accès à la protection des réfugiés" depuis 2022.
Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Volker Türk, et son homologue en charge des réfugiés, Filippo Grandi, ont appelé le gouvernement "à prendre plutôt des mesures pratiques pour lutter contre les flux irréguliers de réfugiés et de migrants, sur la base de la coopération internationale et du respect du droit international des droits de l'homme".
- Dangereuse traversée -
Le commissaire du Conseil de l'Europe pour les droits de l'homme, Michael O'Flaherty, a dénoncé dans ce texte une "atteinte à l'indépendance de la justice".
Le Conseil de l'Europe qui réunit 46 membres, dont le Royaume-Uni, est dépositaire de la convention européenne des droits de l'homme, en application de laquelle la Cour européenne des droits de l'homme avait stoppé in extremis en juin 2022 un premier vol vers le Rwanda.
De son côté, le gouvernement rwandais s'est dit "impatient d'accueillir les personnes relocalisées au Rwanda" via cet accord qui lui rapporte des dizaines de millions d'euros.
Le gouvernement conservateur britannique, à la peine dans les sondages à quelques mois des élections législatives, a fait de la lutte contre l'immigration illégale une priorité, et a promis de "stopper les bateaux" de migrants qui traversent clandestinement la Manche.
Après un record en 2022 (45.000), puis un reflux en 2023 (près de 30.000), plus de 6.260 personnes ont effectué la traversée clandestine sur des canots de fortune depuis le début de l'année, une hausse de plus de 20%.
Venant rappeler les dangers de ce périple à travers des eaux très fréquentées et très froides, cinq migrants, dont une petite fille de 4 ans, sont morts tôt mardi en tentant de traverser la Manche dans un petit bateau parti de France avec plus de 110 personnes à bord.
- "Tache" -
Le projet vise à expulser des migrants arrivés illégalement, d'où qu'ils viennent, vers le Rwanda, qui examinera leur demande d'asile. Quelle que soit l'issue, ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, qui compte sur l'effet dissuasif d'une mesure sans équivalent en Europe.
Adossé à un nouveau traité entre Londres et Kigali, le texte adopté visait à répondre aux conclusions de la Cour suprême, qui avait jugé le projet initial illégal en novembre dernier.
Il définit le Rwanda comme un pays sûr et prévoit que le gouvernement pourra outrepasser d'éventuelles injonctions de la Cour européenne des droits de l'homme pour empêcher les expulsions.
Ce projet est une "honte nationale" et il "laissera une tache sur la réputation morale de ce pays", a réagi Amnesty International.
Les responsables des Eglises chrétiennes ont réitéré dans une déclaration commune leurs "profondes craintes" quant au précédent qu'établit ce texte quant au traitement "des plus vulnérables".
Le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer, grand favori pour être le prochain Premier ministre, a étrillé un "gadget" qui "coûte absolument une fortune".
Alors que des recours juridiques sont à prévoir, Rishi Sunak a assuré lundi que les avions pour le Rwanda "décolleront, quoi qu'il arrive".
Le gouvernement a déjà réservé des avions, mobilisé des centaines de personnels, notamment des juges, pour traiter rapidement les éventuels recours des migrants illégaux, et débloqué 2.200 places en détention pour eux en attendant que leurs cas soient étudiés.
H.Roth--NZN