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Les principaux partis politiques de Nouvelle-Calédonie ont lancé mercredi un appel commun "au calme et à la raison" après deux nuits d'émeutes qui ont fait deux morts et des centaines blessés dans l'archipel, secoué par la fronde des indépendantistes contre une réforme électorale votée par le Parlement.
Dans un communiqué commun, les cinq principaux partis indépendantistes et non-indépendantistes de territoire français du Pacifique Sud ont appelé mercredi "solennellement l'ensemble de (sa) population (...) au calme et à la raison".
"Nous sommes convaincus que c'est par le dialogue et la résilience que nous pourront sortir collectivement de cette situation", écrivent l'UC-FLNKS, l'Union nationale pour l'indépendance, Les Loyalistes, le Rassemblement-LR et l'Eveil océanien.
Le président de la République Emmanuel Macron a annulé un déplacement en région et réuni à l'Elysée un conseil de défense et de sécurité nationale pour évoquer la situation décrite comme "insurrectionnelle" par les autorités.
Selon un bilan provisoire rendu public par le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, les violences qui ont débuté lundi dans le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis les années 1980, ont fait deux morts dans la nuit de mardi à mercredi.
Une deuxième personne a également trouvé la mort pendant la nuit, selon ses services, sans autre détail sur les circonstances de ce décès.
- "Centaines" de blessés -
Incendies, pillages, affrontements armés entre émeutiers et population ou avec les forces de l'ordre, tout l'archipel est le théâtre d'émeutes particulièrement violentes, malgré l'instauration d'un couvre-feu à Nouméa et dans son agglomération.
Mercredi, un gendarme mobile a été très grièvement blessé à la tête dans le secteur de Plum, au sud de l'île, a rapporté à l'AFP une source proche du dossier, précisant que son pronostic vital était engagé.
Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a plus tôt fait état de "centaines" de blessés au total, dont une "centaine" de policiers et gendarmes.
"On est dans une situation que je qualifierais d'insurrectionnelle", s'est inquiété sur l'île M. Le Franc. "L'heure doit être à l'apaisement (...) l'appel au calme est impératif".
Le haut-commissaire a fait état d'"échanges de tirs de chevrotine entre les émeutiers et les groupes de défense civile à Nouméa et Paita" et indiqué avoir fait intervenir les policiers d'élite du RAID contre des émeutiers qui se dirigeaient vers un dépôt de gaz.
Le ministre de la Fonction publique du gouvernement local, Vaimu'a Muliava, a lui rapporté que deux personnes avaient été blessées par balles à Ducos, dans le nord-ouest de Nouméa, "par un garagiste qui protégeait son entreprise".
"Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés", a insisté M. Le Franc, "on est dans une spirale mortelle".
Les forces de l'ordre ont mené un total de 140 interpellations dans la seule agglomération de Nouméa, selon un nouveau bilan dressé par Louis Le Franc.
- "Spirale mortelle" -
En métropole, les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi par 351 voix contre 153 le texte qui élargit le corps électoral. La réforme constitutionnelle devra encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.
Dans un courrier adressé mercredi aux représentants calédoniens condamnant des violences "indigne(s)" et appelant au "calme", Emmanuel Macron a précisé que ce Congrès se réunirait "avant la fin juin", à moins qu'indépendantistes et loyalistes ne se mettent d'accord d'ici là sur un texte plus global.
Le texte voté par les sénateurs et maintenant les députés vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel. Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de réduire leur poids électoral et "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".
Mercredi, le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, a "pris acte" de la réforme votée à Paris mais déploré une "démarche qui impacte lourdement notre capacité à mener les affaires de la Nouvelle-Calédonie".
"Nous lançons un appel au calme", a poursuivi Louis Mapou. "Les mobilisations doivent se passer dans un cadre", a enchaîné le président du sénat coutumier Victor Gogny, "depuis deux jours on est sorti de ce cadre et le pays est en feu".
Dans un courrier adressé au chef de l'Etat, la principale figure du camp non-indépendantiste, l'ex-secrétaire d'Etat Sonia Backès, a demandé de son côté au chef de l'Etat de déclarer l'état d'urgence. "Nous sommes en état de guerre civile", a-t-elle averti.
A Paris, l'opposition de droite, Républicains et Rassemblement national en tête, ont appuyé cette requête. "Il faut aussi mobiliser l'armée", a appuyé sur LCI Olivier Marleix, le président du groupe LR à l'Assemblée nationale.
A l'inverse, la gauche a réclamé la suspension de la réforme constitutionnelle. "Tout doit être fait pour retrouvé le calme et le dialogue", a plaidé le communiste Fabien Roussel.
- Pénuries -
Mercredi matin, faute d'approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires ont provoqué de très longues files d'attente devant les magasins.
Dans les quartiers, la débrouille s'est organisée. "Nous nous sommes organisés spontanément", a expliqué à l'AFP David, un habitant du quartier de Ouema qui a souhaité garder l'anonymat.
"Hier en fin de journée, des gens ont essayé de faire entrer quatre barils d'essence. Nous filtrons la circulation la journée", a-t-il indiqué.
A Tuband, un autre quartier de Nouméa, des habitants patrouillaient armés de bâtons ou de battes de base-ball, encagoulés ou casqués.
"Les flics sont débordés alors on essaye de se protéger et des que ça chauffe, nous prévenons les flics pour qu'ils viennent nous aider. On essaye de faire en sorte que chaque quartier ait sa milice", a affirmé un habitant, Sébastien, 42 ans.
Pour contenir les émeutes, des éléments du GIGN, le groupe d'intervention de la gendarmerie, du RAID, son équivalent pour la police, quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans les violences urbaines, ont été mobilisés.
D'autres renforts étaient en cours d'acheminement dans l'archipel, selon Gérald Darmanin, dont des membres du GIGN.
L'aéroport de Nouméa est fermé depuis lundi jusqu'à nouvel ordre. Le Haut-commissaire a indiqué mercredi qu'il avait demandé le renfort de l'armée pour le protéger.
A.Ferraro--NZN