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Le président élu de Taïwan, Lai Ching-te, ferme défenseur de la démocratie de l'île, prendra ses fonctions lundi dans un climat de pression diplomatique et militaire croissante de Pékin et sous le regard de Washington, son principal allié.
Large vainqueur du scrutin de janvier, Lai Ching-te, 64 ans, n'a pas les faveurs du gouvernement chinois, qui considère Taïwan comme l'une de ses provinces et qualifie le futur président de "dangereux séparatiste" risquant d'amener "la guerre et le déclin" sur l'île.
Il succèdera lundi à la présidente Tsai Ing-wen lors d'une cérémonie suivie de près tant par la Chine que par les Etats-Unis, partenaire-clé et fournisseur d'armes de Taïwan.
Le statut de Taïwan est sans doute le sujet le plus explosif dans les relations entre la Chine et les Etats-Unis.
Si Washington reconnaît Pékin au détriment de Taipei depuis 1979, le Congrès américain impose parallèlement de fournir des armes à Taïwan, dans le but affiché de dissuader la Chine de toute volonté expansionniste.
L'île autonome de 23 millions d'habitants n'est située qu'à 180 kilomètres des côtes chinoises.
Pékin a intensifié sa pression diplomatique et militaire depuis l'élection en 2016 de Tsai Ing-wen, dont la formation, le Parti démocrate progressiste (DPP), rejette les vélléités de la Chine.
Lai Ching-te, issu du même parti, s'est décrit par le passé comme un "artisan pragmatique de l'indépendance de Taïwan".
Il a depuis adouci son discours: désormais il affirme qu'un processus d'indépendance n'est pas nécessaire car l'île a, selon lui, de facto ce statut.
- "Maintenir le statu quo" -
Pour éviter d'irriter davantage Pékin, le nouveau président devrait "maintenir la politique responsable de sa prédécesseure", estime Amanda Hsiao, du centre de réflexion International Crisis Groupe.
Promettant d'être "du côté de la démocratie", le président élu veut "poursuivre les échanges et la coopération avec la Chine", premier partenaire commercial de Taïwan. Et aussi renouer les communications de haut niveau, coupées par Pékin dès 2016.
"Nous travaillerons à maintenir le statu quo des deux côtés", a-t-il déclaré cette semaine. Et "je n'exclurai pas un dialogue avec la Chine sur la base des principes de respect mutuel, d'avantages mutuels et de dignité, sans conditions préalables".
Huit chefs d'Etat et une cinquantaine de délégations étrangères sont attendues à la cérémonie lundi, notamment des Etats-Unis et du Canada.
Le différend entre Pékin et Taipei date de la fin de la guerre civile en 1949: les communistes de Mao Tsé-toung prennent le pouvoir à Pékin et font alors fuir les nationalistes du Kuomintang (KMT) de Tchang Kaï-chek à Taïwan.
Mercredi, le bureau chinois responsable des relations avec Taïwan a une nouvelle fois martelé être "résolument opposé à l'indépendance de Taïwan".
"L'indépendance de Taïwan et la paix dans le détroit sont incompatibles, tout comme le sont l'eau et le feu", a affirmé son porte-parole Chen Binhua.
- Conflit dévastateur -
Dès le soir de l'élection de Lai Ching-te, Pékin avait assuré que l'issue de ce scrutin ne changeait rien à "l'inévitable tendance vers la réunification de la Chine", disant privilégier la voie pacifique mais sans exclure le recours à la force si nécessaire.
La Chine maintient une pression militaire sur l'île en envoyant presque quotidiennement des avions de guerre, des drones et des navires.
Cette pression croissante sur le territoire, ainsi que sur la mer de Chine du Sud, fait craindre un conflit militaire potentiel qui pourrait impliquer les Etats-Unis et leurs alliés.
Un tel conflit, même si les experts ne le jugent pas imminent, aurait un effet dévastateur pour l'économie mondiale: plus de 50% des conteneurs transportés dans le monde transitent par le détroit de Taïwan et l'île produit 70% des semi-conducteurs de la planète.
Seuls 12 pays, dont le Vatican, reconnaissent pleinement Taïwan. La Chine ne maintient aucune relation diplomatique avec tout pays reconnaissant Taipei.
Le nouveau président de l'île devra aussi gérer le mécontentement de certains habitants vis-à-vis de son parti, qui a perdu en janvier sa majorité au Parlement.
Le fait que les salaires stagnent tandis que le coût de la vie augmente génère des frustations chez une partie de la population quant à la gestion par le DPP des relations avec la Chine.
"C'est dangereux", estime ainsi Chou-ta Chung, retraité de 66 ans, car "le DPP se concentre trop sur les Etats-Unis", alors "qu'il faut chercher un équilibre entre les deux parties".
A.P.Huber--NZN