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Le blocage de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza pourrait avoir des conséquences "apocalyptiques", a prévenu dimanche le chef des Affaires humanitaires de l'ONU, Martin Griffiths, en mettant en garde contre le risque de famine dans le territoire palestinien assiégé et dévasté par plus de sept mois de guerre entre Israël et le Hamas.
"Si le carburant vient à manquer, si l'aide ne parvient pas aux personnes qui en ont besoin, la famine, dont nous parlons depuis si longtemps et qui menace, ne sera plus une menace. Elle sera présente", a-t-il déclaré dans un entretien à l'AFP, en marge d'une réunion avec des responsables qataris à Doha.
"Notre préoccupation, en tant que citoyens de la communauté internationale, est que les conséquences seront très, très dures. Dures, difficiles et apocalyptiques", a ajouté le secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires de l'ONU.
Les opérations menées par Israël au sol dans la ville de Rafah, au sud de Gaza, malgré un tollé international, ont aggravé une situation humanitaire catastrophique dans le territoire dirigé par le Hamas et soumis déjà à un blocus depuis 15 ans.
Selon M. Griffith, une cinquantaine de camions d'aide peuvent parvenir quotidiennement dans le nord de Gaza via le point de passage d'Erez, qui a rouvert. Mais les combats près des points de passage de Rafah et de Kerem Shalom dans le sud du territoire signifient que ces voies vitales sont "bloquées". "Donc l'aide qui arrive par les voies terrestres vers le sud et pour Rafah, ainsi que pour les personnes délogées de Rafah, est quasiment nulle", a-t-il expliqué.
- "Désastre" -
Selon l'ONU, quelque "800.000" Palestiniens ont "été forcés de fuir" Rafah depuis l'ordre d'évacuation israélien le 6 mai, un jour avant l'entrée des chars israéliens.
La situation dans cette ville surpeuplée, qui manque de carburant, de nourriture et de médicaments, est "exactement ce que nous craignions qu'elle soit", a affirmé M. Griffiths.
"Nous avons tous dit très clairement qu'une opération à Rafah est un désastre en termes humanitaires, un désastre pour les personnes déjà déplacées à Rafah. Il s'agit maintenant de leur quatrième ou cinquième déplacement."
La jetée temporaire mise en place par les Etats-unis près de la plage de Gaza a permis d'apporter "quelques camions d'aide", mais elle ne peut pas remplacer les voies terrestres, a insisté le responsable onusien.
La guerre a commencé le 7 octobre, lorsque des commandos du Hamas infiltrés de la bande de Gaza voisine dans le sud d'Israël ont mené une attaque qui a tué plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Ce jour-là, 252 personnes ont été prises en otages, dont 125 sont toujours détenues à Gaza, et 37 sont mortes selon l'armée.
En riposte, Israël a juré d'anéantir le mouvement islamiste palestinien et lancé des bombardements intenses sur le petit territoire de 2,4 millions d'habitants, puis une offensive terrestre, qui ont fait au moins 35.386 morts, la plupart des civils, selon des données du ministère de la Santé du Hamas.
- "Un monde en colère" -
Jeudi, les dirigeants arabes réunis à Bahreïn ont plaidé pour le déploiement d'une force de maintien de la paix des Nations unies dans les territoires palestiniens et appelé à une conférence internationale pour régler le conflit israélo-palestinien sur la base de la solution des deux Etats.
La déclaration publiée à l'issue du sommet de la Ligue arabe est "très importante parce qu'elles se concentre sur l'avenir", a commenté Martin Griffiths, en soulignant qu'un "certain nombre de conférences" étaient déjà envisagées pour faire discuter la situation humanitaire à Gaza, notamment en Jordanie.
"Je suis convaincu, et je sais que le secrétaire général l'est aussi, que l'ONU doit être présente à la table des discussions", a déclaré le chef de l'aide humanitaire des Nations unies.
Il s'est toutefois montré prudent sur la possibilité d'envoyer des casques bleus dans les territoires palestiniens, en soulignant qu'une telle mission devrait être approuvée par les membres du Conseil de sécurité de l'ONU et acceptée par les parties en conflit.
Les Nations unies ont annoncé en mars que M. Griffiths quitterait ses fonctions en juin pour des raisons de santé.
Le diplomate britannique a dit avoir constaté ces dernières années que "les règles qui avaient été difficilement élaborées, depuis la création des Nations unies (...) mais surtout au cours des deux dernières décennies, semblent avoir été mises de côté".
"Il n'y a pas de consensus sur les méthodes de dialogue et de négociation ou de médiation, qui doivent être, à mon avis, prioritaires. Nous avons donc un monde en colère", a-t-il déploré.
R.Schmid--NZN