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Le Sénat a commencé mercredi l'examen d'une proposition de loi visant à renforcer l'arsenal de lutte contre les ingérences étrangères, un débat qui heurte de plein fouet l'actualité en Nouvelle-Calédonie, visée par une cyberattaque d'ampleur et par l'influence dénoncée de l'Azerbaïdjan.
Registre national de l'influence, gel des avoirs financiers, surveillance algorithmique élargie: la chambre haute s'apprête à approuver plusieurs mesures phares dans le cadre d'une proposition de loi macroniste, déjà largement adoptée à l'Assemblée nationale à la fin du mois de mars.
"Avec cette proposition de loi, nous faisons la transparence sur les activités d'influence étrangère et nous nous donnons les moyens de détecter et de sanctionner les auteurs d'opérations de manipulation de l'information", a souligné le ministre chargé de l'Europe Jean-Noël Barrot.
L'actualité calédonienne a rapidement éclairé les débats, avec en toile de fond l'accusation d'ingérence azerbaïdjanaise émise par le gouvernement, et surtout la cyberattaque d'ampleur lancée mardi contre l'archipel pour tenter d'en saturer le réseau local. L'Agence française de sécurité informatique (Anssi) a invité à "l'extrême prudence" sur l'origine de cette attaque.
- "Provocation" -
Au Sénat, certains n'ont pas pris les mêmes précautions. "La dernière provocation de la Russie, qui n'a pas hésité (...) mettre à bas l'ensemble du réseau Internet de Nouvelle-Calédonie, est un nouveau symbole de l'urgence à identifier et à combattre les ingérences étrangères dans notre pays", a alerté le sénateur Horizons Claude Malhuret, pour qui "une nouvelle guerre à commencé, que nous tardons à comprendre".
Lui comme d'autres se sont également inquiétés de l'influence croissante de la Chine dans l'archipel, alors que le réseau social TikTok, dont la maison-mère est chinoise, y a été interdit mais que le gouvernement a été sommé de justifier sa mesure par le Conseil d'Etat.
Certains ont également cité les "mains rouges" taguées sur le Mémorial de la Shoah ces derniers jours, une dégradation qui alimente également les soupçons de manipulation étrangère.
"La menace est aujourd'hui plus protéiforme, omniprésente, plus durable", a appuyé la sénatrice (rattachée LR) Agnès Canayer, en défendant ce texte qui offrira selon elle des "outils pour compléter l'arsenal juridique français".
Dans ce contexte, les objectifs du texte semblent recueillir l'approbation large du Palais du Luxembourg, même si des sénateurs de nombreux bancs ne le considèrent que comme "une première approche" dans la lutte contre les ingérences étrangères.
"Malheureusement, il aura fallu des faits dramatiques en Nouvelle-Calédonie pour que cette prise de conscience survienne d'un seul coup, pour que certains se rendent compte que lorsqu'on parle d'ingérences étatiques, ce n'est pas un mythe", a regretté la sénatrice socialiste Gisèle Jourda.
"Ce texte a le mérite d'exister, mais il aurait mérité d'être bien plus corsé", a pointé l'élue qui portera dans la soirée des amendements pour en élargir le champ et proposera un volet de "sensibilisation" auprès des jeunes et des élus locaux.
- Sanctions renforcées -
Sur le fond, la proposition de loi entend instaurer une obligation pour des représentants d'intérêts étrangers qui font du lobbying en France de s'inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants. Ce registre sera géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Autre mesure sensible, l'élargissement aux cas d'ingérences étrangères d'un dispositif expérimental de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur internet. Cet outil, contesté par une partie de la gauche qui craint une atteinte à la vie privée, n'est actuellement autorisé que pour la prévention du terrorisme.
"Face à cette culture de la surveillance, il est essentiel de reconnaître que l'algorithme n'est pas neutre et implique une certaine idéologie", a alerté le communiste Pascal Savoldelli, indiquant que son groupe allait s'opposer au texte si ce dispositif était maintenu.
Le texte prévoit également la possibilité de geler des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d'ingérence définies.
En commission, le Sénat a également introduit une "circonstance aggravante" dans le code pénal pour les crimes et délits "commis dans le but de servir les intérêts d'une puissance étrangère, d'une entreprise ou d'une organisation étrangère".
T.L.Marti--NZN