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Le président français Emmanuel Macron entame dimanche une visite d'Etat de trois jours en Allemagne afin de réaffirmer la force de la relation bilatérale et tenter de dépasser les différends.
Discours sur l'Europe, visite au Mémorial de l'Holocauste, prix pour la Paix et faste protocolaire... à moins de deux semaines des élections européennes, la visite sera empreinte de symboles d'unité et d'amitié entre les deux premières puissances de l'UE.
"On ne fête pas assez souvent ce que nous avons réussi ensemble" depuis la réconciliation franco-allemande en 1963, observe-t-on à la présidence allemande.
"On peut beaucoup gloser sur les vicissitudes du franco-allemand, mais il y a aussi une permanence, une profondeur des relations entre les deux peuples et c'est ce que cette visite d'État vient montrer", renchérit l'Elysée.
Il s'agit de la première visite d'Etat - la plus élevée dans le rang protocolaire - d'un président français chez le grand voisin d'outre-Rhin depuis celle de Jacques Chirac en 2000.
Prévue initialement en juillet dernier, elle avait été reportée en raison d'émeutes urbaines en France. Ironie du sort, Emmanuel Macron revient d'un voyage express en Nouvelle-Calédonie, un territoire français en proie à de violentes émeutes depuis dix jours au cœur du Pacifique.
Berlin, Dresde (est) puis Münster (ouest) : le chef de l'Etat va aller à la rencontre de l'Allemagne dans sa diversité, notamment l'ex-RDA où la dernière grande visite d'un président français remonte à 1989, juste après la chute du Mur, avec François Mitterrand.
Emmanuel Macron, accompagné de son épouse Brigitte, est attendu à 12H00 GMT (14H00 locales) à Berlin où il sera accueilli par le président Frank-Walter Steinmeier.
- "Disruptif" -
Il est d'abord attendu à la Fête de la démocratie, qui célèbre le 75e anniversaire de la Constitution de la République fédérale d'Allemagne, un égard particulier pour un chef d'Etat étranger, soulignent les deux capitales.
Les deux dirigeants auront ensuite un entretien, suivi d'une conférence de presse et d'un dîner d'Etat au Château de Bellevue, résidence du président allemand.
Au fil des cérémonies, bains de foule potentiels et discours, tous deux ne vont pas se quitter pendant trois jours.
Les retrouvailles avec le chancelier Olaf Scholz n'interviendront que mardi même s'il devrait faire une apparition au dîner d'Etat, tout comme l'ex-chancelière Angela Merkel.
Protocole oblige, le président allemand, une fonction essentiellement honorifique, est la puissance invitante pour les visites d'Etat.
Mais Frank-Walter Steinmeier, un social-démocrate rompu à l'exercice du pouvoir, a aussi été ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier dans le gouvernement d'Angela Merkel.
De la guerre en Ukraine à la relation franco-allemande, les échanges avec le président français promettent donc d'être très politiques.
"Il apprécie beaucoup Emmanuel Macron pour son côté faire bouger les lignes, un peu +disruptif+", relève Hélène Miard-Delacroix, spécialiste de l'histoire de l'Allemagne à la Sorbonne.
- "Paradigme" -
De quoi mettre peut-être de l'huile dans les rouages avant le conseil des ministres franco-allemand mardi et la rencontre avec Olaf Scholz dans un contexte toujours lourd de dissensions et malentendus.
Emmanuel Macron y fera le service après-vente de son discours de la Sorbonne, le 25 avril, dans lequel il a mis en garde contre la "mort" de l'Europe et appelé les Vingt-Sept à un nouveau sursaut.
"J'appelle à un nouveau paradigme économique, à un nouveau modèle de croissance, et c'est là-dessus que je vais essayer de convaincre les Allemands", a-t-il lancé mercredi dans l'hebdomadaire L'Express.
Si le président et le chancelier s'accordent sur la nécessité de booster la compétitivité en Europe face à la concurrence de la Chine et des Etats-Unis, ils restent en désaccord sur la place du nucléaire, la stratégie budgétaire, les accords commerciaux ou le degré de protectionnisme.
L'envoi potentiel de soldats en Ukraine évoqué par Emmanuel Macron suscite aussi la plus grande réserve en Allemagne, profondément pacifiste depuis la fin de la Seconde mondiale.
La production d'armes en commun sur le sol ukrainien est en revanche plus que jamais d'actualité.
"La relation franco-allemande, c’est se dire des désaccords et essayer de trouver des chemins de compromis", relève Hélène Miard-Delacroix.
Mais pour Olaf Scholz, à la réserve toute nordique, et Emmanuel Macron, prompt à bousculer les évidences, le chemin s'annonce plus long que d'accoutumée.
P.Gashi--NZN