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Le projet de loi sur la fin de vie arrive lundi dans l'hémicycle de l'Assemblée et entend ouvrir la possibilité pour certains patients d'une "aide à mourir", mais les modifications introduites en commission font craindre jusque dans l'exécutif une perte d'"équilibre".
Pour laisser le temps aux débats qui mêleront la technicité médicale au juridique et à l'intime, l'Assemblée a prévu deux semaines de discussions en première lecture. La ministre de la Santé Catherine Vautrin ouvrira le bal à 16H00, le vote devant avoir lieu le "11 juin", a-t-elle rappelé.
Les débats promettent d'être passionnés autour des critères d'éligibilité, l'un d'entre eux ayant été modifié en commission.
Le texte initial imposait d'être atteint d'une "affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme", d'être majeur, apte à manifester sa volonté de manière libre et éclairée et de présenter une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable.
Mais les députés ont supprimé en commission spéciale la mention du "pronostic vital engagé à court ou moyen terme", préférant la notion d'affection "en phase avancée ou terminale".
Un changement approuvé par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et le rapporteur général Olivier Falorni (groupe MoDem), pour qui la notion de moyen terme "était inopérante".
Elle "risquait de laisser de côté un certain nombre de malades, notamment ceux atteints de maladies neurodégénératives", a fait valoir ce défenseur historique de l'aide à mourir dans L'Opinion.
Attachée à l'"équilibre" du texte initial, Catherine Vautrin a prévenu dans Le Figaro que le gouvernement chercherait à revenir à la version initiale.
"La notion de +phase avancée+" est "utilisée en cancérologie, mais ne permet pas de décrire la diversité des pathologies, et elle est insécurisante pour les médecins", a-t-elle fait valoir.
"Cela peut conduire à inclure de nombreuses pathologies non mortelles qui sortent de la philosophie du texte", a abondé le Premier ministre Gabriel Attal dans La Tribune Dimanche, appelant à "garantir son équilibre".
- "Volé en éclats" -
La modification crispe dans la majorité comme dans l'opposition. "L'équilibre d'origine (...) a été rompu", a dénoncé Agnès Firmin-Le Bodo, députée Horizons et ancienne ministre de la Santé ayant participé à l'accouchement du texte.
"L'engagement du président de faire une loi d'équilibre a volé en éclats", dénonce auprès de l'AFP le député LR Philippe Juvin. Certains collègues LR "continuent à soutenir" le texte, mais d'autres pourraient basculer vers un vote contre, prévient-il.
Et la question dépasse les clivages traditionnels.
La plupart des soutiens au texte devraient venir de la gauche et du camp présidentiel, mais certains députés à gauche, au MoDem et à Renaissance ont déposé des amendements de suppression de l'aide à mourir, à l'instar d'élus LR et RN.
Les débats devront également éclaircir la question des directives anticipées. Les députés ont prévu en commission que le malade puisse y préciser un "type d'accompagnement pour une aide à mourir", dans l'hypothèse où il perdrait "conscience de manière irréversible".
Toutefois, le texte précise à un autre endroit que le patient doit être "apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée".
"Le patient doit toujours confirmer sa volonté libre et éclairée à toutes les étapes de la procédure", affirme Catherine Vautrin, face à la confusion suscitée.
L'administration de la substance létale pose aussi question. Le texte prévoyait que les patients se l'administrent eux-mêmes, sauf ceux dans l'incapacité de le faire. Mais un amendement de Cécile Rilhac (apparentée Renaissance) ouvre la possibilité de choisir librement de déléguer ce geste à un tiers.
L'Église catholique et la Fédération protestante de France ont déploré les évolutions en commission et un collectif d'organisations soignantes a estimé que "la boîte de Pandore (était) ouverte".
Le texte n'est "absolument pas déséquilibré", a répliqué M. Falorni.
L'autre grand volet concerne les soins palliatifs, dont le renforcement est demandé sur tous les bancs. Thomas Ménagé (RN) s'est dit prêt en commission à voter le texte à condition que l'aide à mourir ne soit pas "un pis-aller" faute de "soins palliatifs effectifs".
Le gouvernement ayant écarté toute procédure accélérée, l'examen du texte pourrait durer jusqu'à l'été 2025, voire plus.
T.Furrer--NZN