AEX
-11.9800
Un relais routier dans la Somme pour l'une, la banlieue parisienne pour l'autre: Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont repris jeudi leur joute dans la France populaire pour mobiliser et convaincre les indécis dans la toute dernière ligne droite de la campagne présidentielle.
"Ca n'a étonné je crois aucun Français, qui eux-mêmes subissent cette arrogance et ce mépris depuis cinq ans", a déclaré Mme Le Pen lors d'un point-presse organisé à Roye (Somme) en marge d'une rencontre avec des transporteurs routiers.
Elle a en outre critiqué les "outrances" et "fake news" propagées par le camp Macron à son égard.
Emmanuel Macron a rejeté ces critiques, accusant en retour sa rivale de n'avoir "plus d'autres arguments" avant le second tour de la présidentielle dimanche. "On a eu 2h30 d'un débat qui a été respectueux", a affirmé le candidat président à un journaliste durant un bain de foule à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
"On a eu beaucoup de respect l'un pour l'autre mais avec le fait qu'on (se) combat" sur deux projets qui ne sont "pas conciliables", a-t-il ajouté. Et "quand il n'y a plus d'arguments à opposer, on va en chercher d'autres", a-t-il poursuivi en mettant en cause les déclarations de responsables du RN depuis le débat.
Selon les experts, le chef de l'Etat a réussi mercredi soir à maîtriser voire dépasser le handicap traditionnel du sortant qui doit défendre son bilan, face à une candidate du RN en net progrès par rapport à son débat raté de 2017, mais souvent sur la défensive et freinée dans ses attaques par sa volonté de lisser son image.
A Bordeaux, Mathieu Sescosse, 40 ans, salarié de 40 ans dans l’informatique, a "regardé jusqu’à 23 h et des brouettes". Verdict ? "Pour moi, c’est le statu quo, ça ne fera pas bouger les lignes". Et de regretter que "des sujets sur l’urgence écologique n’ont pas été suffisamment abordés".
A Rennes, Grégoire Batteux, 65 ans, retraité de l’éducation nationale, juge que "si on compare à 2017, c’était moins agressif et plus serein. Le fond est toujours le même et ça n’a pas changé mon opinion", mais "les travers de l’un et de l’autre ont été en partie gommés".
Le débat, regardé par près de 15,6 millions de téléspectateurs (la pire audience de ce format depuis sa création en 1974, selon Médiamétrie), a-t-il fait bouger les lignes? Premiers éléments de réponse avec les enquêtes d'opinion jeudi et vendredi avant le verdict de dimanche soir. "Rien n'est joué", a insisté Emmanuel Macron à Saint-Denis.
- "La peste et le choléra" -
Le déplacement d'Emmanuel Macron dans ce bastion de la gauche est consacré à la problématique des "logements insalubres et de la rénovation urbaine" dans le département le plus pauvre de la métropole parisienne.
La Seine-Saint-Denis, qui a enregistré le 10 avril le taux d'abstention le plus élevé de France métropolitaine, a placé le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon largement en tête (49,09%) devant Emmanuel Macron (20,27%).
Les électeurs du leader LFI, arrivé en troisième position avec près de 22% au plan national au 1er tour, sont particulièrement courtisés par les deux finalistes.
A Saint-Denis, des habitants présents autour d'Emmanuel Macron l'ont défendu. "Vous n'êtes pas arrogant", a lancé un homme. "Pas du tout!", a renchéri une femme. "M. Macron, faut pas nous abandonner, faut pas la laisser passer", a crié un homme en faisant référence à la candidate d'extrême droite.
Regrettant d'être obligée de "choisir entre la peste et le choléra" au second tour, une femme l'a appelé à "un peu plus de modestie" et à se mettre "à notre niveau car on n'en a pas l'impression". "Mais je viens ici", lui a-t-il répondu. "Oui mais à la dernière minute", selon elle.
En choissant des régions populaires - Seine-Saint-Denis et Hauts-de-France -, les deux adversaires ont pour objectif de mieux répondre à la préoccupation numéro un des Français, le pouvoir d'achat, frappé par les répercussions de la guerre en Ukraine sur les prix de l'énergie et de l'alimentation.
Un thème sur lequel ils se sont affrontés lors du débat de près de trois heures de mercredi, le président-candidat défendant le "bouclier" actuel et son projet de "chèque alimentaire", la seconde prônant une baisse de la TVA.
Reprenant son argumentaire à Roye, Mme Le Pen a estimé qu'un "second mandat d'Emmanuel Macron serait un saccage social". "Il ne sera plus limité par rien et ira au bout de sa logique. Ce serait le premier mandat en pire", a-t-elle dit.
La candidate tient ensuite en début de soirée son dernier meeting de campagne à Arras, la préfecture du Pas-de-Calais. Un département qui a largement voté pour elle au premier tour même si c'est le président sortant qui a décroché la première place dans le chef-lieu.
Dans la dernière ligne droite, M. Macron creuse l'écart dans les sondages, en étant donné vainqueur dans une fourchette allant de 54 à 56,5% des intentions. Un écart moindre qu'en 2017 toutefois: le candidat "ni de droite ni de gauche" avait alors remporté la bataille avec 66,1% des voix.
Il tiendra son dernier rassemblement de campagne vendredi à Figeac (Lot) dans un département qui avait voté massivement pour lui en 2017.
Entretemps, l'ex-candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot a appelé à voter Emmanuel Macron dans une tribune au Monde jeudi, "sans plaisir mais sans hésitation".
W.O.Ludwig--NZN