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Israël a multiplié mardi les frappes sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, malgré les condamnations internationales après un bombardement meurtrier sur un camp de déplacés, au moment où trois pays européens reconnaissent formellement l'Etat de Palestine.
Cette décision officiellement attendue mardi de l'Espagne, de la Norvège et de l'Irlande a provoqué la fureur d'Israël qui y voit un "prix" décerné au Hamas en pleine guerre contre le mouvement islamiste palestinien, au pouvoir depuis 2007 dans la bande de Gaza.
Le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz, a accusé l'Espagne d'être "complice des appels au génocide du peuple juif".
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit par ailleurs se réunir mardi en urgence, après une frappe à Rafah qui a fait dimanche soir 45 morts et 249 blessés, selon le ministère de la Santé à Gaza, et mis le feu à des tentes occupées par des Palestiniens dans un camp de déplacés.
"Nous n'avons pas dormi de la nuit parce qu'il y avait des bombardements de partout, y compris des tirs d'artillerie et des bombardements aériens", a témoigné à l'AFP Faten Jouda, une femme de 30 ans installée dans le quartier de Tal Al-Sultan, dans le nord-ouest de Rafah, où a eu lieu la frappe de dimanche.
"C'était effrayant. Tout le monde fuyait encore. Nous aussi, nous allons partir, nous craignons pour nos vies", a-t-elle ajouté.
Une femme a été tuée dans un bombardement sur un immeuble, selon un médecin de l'hôpital émirati de Rafah.
Un correspondant de l'AFP a également signalé des bombardements et des tirs dans plusieurs quartiers de la ville de Gaza, dans le nord du territoire, où une frappe sur une maison a fait trois morts et plusieurs blessés.
- Réunion d'urgence -
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a regretté "un accident tragique" après la frappe de dimanche à Rafah. L'armée a annoncé enquêter sur la mort de victimes civiles après avoir dit, dans un premier temps, avoir ciblé deux hauts responsables du Hamas avec des "munitions précises".
Environ 10.000 personnes ont manifesté à Paris, brandissant des drapeaux palestiniens et des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: "Stop aux bombardements, free Palestine".
"Je condamne les actions d'Israël qui ont tué de nombreux civils innocents qui cherchaient seulement à se protéger de ce conflit meurtrier. Il n'y a pas d'endroit sûr à Gaza. Ces horreurs doivent cesser", a déclaré le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
"Dire qu'il s'agit d'une +erreur+ ne signifie rien pour ceux qui ont été tués, ceux qui sont en deuil et ceux qui tentent de sauver des vies", a ajouté le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Martin Griffiths.
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir mardi après-midi à la demande de l'Algérie, membre non permanent du Conseil. L'ONU a demandé une enquête "complète et transparente" sur le bombardement de Rafah.
La Défense civile palestinienne a fait état de nombreux corps "carbonisés" dans l'incendie qui a ravagé le camp de déplacés de Barkasat, géré par l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).
"Nous avons vu des corps carbonisés, démembrés (...) des cas d'amputations, des enfants blessés, des femmes et des personnes âgées", a témoigné Mohammed al-Mughayyir, un responsable de la Défense civile.
- "Enfer sur terre" -
Des images du Croissant-Rouge palestinien, selon lequel le lieu visé par la frappe avait été désigné par Israël "comme une zone humanitaire", ont montré des scènes de chaos, des ambulances toutes sirènes hurlantes et des secouristes en pleine nuit sur un site en feu, évacuant les blessés parmi lesquels des enfants.
Ces images "témoignent de la transformation de Rafah en enfer sur terre", a déclaré Philippe Lazzarini, chef de l'Unrwa.
Cette frappe est intervenue quelques heures après des tirs de roquettes, revendiqués par le Hamas, sur la métropole israélienne Tel-Aviv depuis Rafah, mais aussi deux jours après une décision de la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l'ONU, qui avait ordonné vendredi à Israël de suspendre ses opérations à Rafah.
Selon l'ONU, cette opération avait déjà poussé, en près de trois semaines, quelque 800.000 Palestiniens à la fuite, pour beaucoup des déplacés qui avaient tenté de trouver refuge à Rafah.
La guerre a été déclenchée par une attaque menée le 7 octobre sur le sol israélien par des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza, entraînant la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
Sur les 252 personnes emmenées comme otages, 121 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l'armée israélienne.
En représailles, Israël a promis d'anéantir le Hamas et lancé une offensive qui a fait au moins 36.050 morts, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.
Le Qatar, au centre avec les Etats-Unis et l'Egypte des tentatives d'imposer un cessez-le-feu, a prévenu que les frappes israéliennes à Rafah pourraient "compliquer les efforts de médiation".
H.Roth--NZN