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"Ne tirez pas sur les enfants": Sœur Ann Rose Nu Tawng s'agenouille, écarte les bras en croix et supplie les forces de sécurité birmanes de ne pas tirer. Des manifestants pro-démocratie parviennent à s'échapper, deux sont tués.
Le cliché de la religieuse catholique, pris le 8 mars 2021, quelques semaines après le coup d'Etat contre Aung San Suu Kyi, enflamme les réseaux sociaux du pays bouddhiste et fait le tour du monde.
Ann Rose devient une figure iconique de la résistance.
Depuis, sa vie est bouleversée. "J'ai été plusieurs fois arrêtée pour être contrôlée. Des inconnus me suivent et me surveillent, je ne sors plus seule", raconte-t-elle à l'AFP.
Ce 8 mars, plusieurs centaines de personnes descendent dans les rues de Myitkyina, la capitale de l'Etat Kachin (nord), pour manifester contre le putsch.
Rapidement, la situation dégénère. La police et l'armée lancent des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser la foule qui réplique en jetant des projectiles. Les forces de sécurité tirent.
En habit blanc, Ann Rose s'approche et s'agenouille. Deux policiers font de même joignant leurs mains en signe de respect, d'autres l'observent, indifférents.
"Je les ai supplié de ne pas tirer (...), plutôt de me tuer moi. J'ai levé les mains en signe de pardon", se souvient-elle.
Des manifestants parviennent à prendre la fuite, deux sont tués.
"C'était la panique. J'étais au milieu du chaos, mais je n'ai pas pensé à avoir peur".
- Une enfant sous le joug militaire -
Fille d'un père pasteur et d'une mère enseignante, cinquième d'une fratrie de treize enfants, la religieuse est née dans l'Etat Shan (est), près de la frontière chinoise, sous le joug d'un autre régime militaire.
"Quand j'avais 9 ans, les soldats sont entrés dans le village. Ils se sont déchaînés contre les habitants", raconte-t-elle.
La famille fuit les violences et Ann Rose entreprend par la suite des études pour devenir infirmière, tout en suivant une voie religieuse.
En 2011, la junte s'autodissout. La nonne découvre la timide ouverture de la Birmanie à la démocratie et travaille dans un centre dédié aux orphelins de Myitkyina.
Depuis le coup, l'établissement accueille des malades et reste ouvert 24 heures sur 24.
Le système de santé est à terre, de nombreux médecins et infirmières se sont mis en grève contre le régime et ont fui les villes par peur des représailles.
"La Birmanie n'est que tristesse. On entend parler uniquement de drames, de civils tués, de villages incendiés", soupire-t-elle.
Près de 1.500 personnes ont été tuées par les forces de sécurité depuis le putsch, d'après une ONG locale, plusieurs centaines de milliers ont été déplacées.
En décembre, Ann Rose a été sélectionnée par la BBC parmi les 100 femmes les plus inspirantes et influentes de 2021 aux côtés de la Pakistanaise Malala Yousafzai, plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix, et de la négociatrice afghane Fatima Gailani.
L.Muratori--NZN