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Un tribunal de Moscou a placé en détention provisoire vendredi le Français Laurent Vinatier, collaborateur d'une ONG suisse de règlement des conflits, arrêté la veille et accusé de collecter des renseignements sur l'armée russe.
Cette affaire tombe en plein accroissement des tensions entre la Russie et la France, Moscou étant soupçonnée d'une série d'actes de déstabilisation et désinformation et Paris se voyant reproché son soutien croissant à l'Ukraine.
Le tribunal Zamoskvoretski de Moscou a ordonné, à la demande des enquêteurs, le placement en détention de Laurent Vinatier au moins jusqu'au 5 août, en vue d'un éventuel procès, ont constaté des journalistes de l'AFP sur place.
Il est soupçonné de ne pas s'être enregistré comme "agent de l'étranger" alors qu'il recueillait des informations sur les activités militaires de la Russie.
La législation sur les "agents de l'étranger" est utilisée par les autorités russes pour réprimer ou surveiller leurs détracteurs et adversaires. Le délit en question est passible de cinq ans de prison.
Le Français, les traits tirés et vêtu d'une chemise noire dans la cage réservée aux accusés, a présenté vendredi ses "excuses" pour ne pas s'être enregistré comme "agent de l'étranger" et a affirmé avoir "porté la position de la Russie" dans son travail.
Son avocat Alexeï Sinitsyne a assuré que son client "ne savait pas" qu'il était obligé de s'enregistrer sous ce label infâmant. Il demandait son placement en résidence surveillée à Moscou, chez son épouse, et non en centre de détention.
L'AFP n'a vu aucun représentant de l'ambassade de France à l'audience.
- "Sécurité de l'État" -
Le Comité d'enquête, puissant organe russe, a lui affirmé jeudi que les informations collectées par M. Vinatier, "si elles sont obtenues par des sources étrangères, pourraient être utilisées contre la sécurité de l'État" russe, ce qui pourrait théoriquement conduire à d'autres poursuites.
Selon des sources interrogées par l'AFP, l'intéressé, âgé de 47 ans, travaillait depuis de longues années sur le conflit entre la Russie et l'Ukraine, avant même l'assaut de février 2022, dans le cadre de discrets efforts diplomatiques en parallèle des États.
L'employeur de ce Français, l'ONG suisse Centre pour le dialogue humanitaire (HD), a demandé jeudi sa "libération". Et le président français Emmanuel Macron a martelé que l'intéressé n'était "en aucun cas (...) quelqu'un qui travaillait, qui travaille pour la France".
Les médiateurs d'ONG comme HD travaillent dans la confidentialité et hors des carcans de la diplomatie classique, ce qui permet des contacts informels entre adversaires mais cela peut aussi exposer ces acteurs à des accusations d'espionnage.
L'arrestation du Français intervient en pleines tensions russo-françaises, justement du fait de l'Ukraine.
Paris s'efforce de convaincre ses alliés de dépêcher des instructeurs militaires dans ce pays pour former les soldats ukrainiens, en difficulté face aux forces russes. M. Macron a également évoqué l'envoi de troupes, suscitant la colère du Kremlin et de nouvelles menaces d'escalade.
- Tensions avec Paris et Berne -
En outre, cette arrestation est intervenue au lendemain de l'interpellation en région parisienne d'un Russo-Ukrainien soupçonné d'avoir projeté une action violente en France, à moins de deux mois du début des Jeux olympiques à Paris.
La Russie est aussi soupçonnée de multiples actions d'ingérence, d'intimidation ou de désinformation, des accusations qu'elle rejette.
Parmi les actions pour lesquelles de tels soupçons pèsent: des cercueils installés début juin au pied de la tour Eiffel, des tags en mai sur le mémorial de la Shoah, des étoiles de David bleues marquées au pochoir à Paris et dans sa banlieue en octobre 2023.
La Russie détient plusieurs Américains dans ses prisons et est accusée de procéder à de telles arrestations pour ensuite négocier des échanges afin de libérer ses agents.
C'est le cas du journaliste américain Evan Gershkovich, accusé d'espionnage malgré ses dénégations, celles de ses proches, de son pays et de son employeur. Moscou semble vouloir l'échanger contre un homme condamné en Allemagne pour avoir commis un assassinat pour le compte des services secrets russes.
La Suisse et la Russie entretiennent aussi des relations difficiles du fait de l'Ukraine.
Le Kremlin considère que la Confédération helvétique ne respecte pas sa sacro-sainte neutralité car elle a adopté les sanctions européennes et accueille les 15-16 juin un sommet de la paix, à la demande de Kiev, tout en en excluant la Russie.
Les responsables russes accusent la Suisse d'"avoir perdu toute crédibilité en tant que pays neutre et vilipendent la conférence du Bürgenstock. Faut-il voir un lien avec cette arrestation ?", s'interroge le quotidien suisse Le Temps.
S.Scheidegger--NZN