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"Visions politiques incompatibles avec la prospérité du pays", "propositions folles": les organisations patronales s'inquiètent que le Rassemblement national, s'il gagne les législatives, ne détricote une politique économique qui a permis aux entreprises et à l'emploi de mieux se porter depuis dix ans.
Mardi matin, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a appelé "le monde économique" à "se mouiller" contre le RN, appelant notamment les organisations patronales Medef et CPME à "dire clairement ce qu'elles pensent des programmes économiques des uns et des autres" et à alerter sur "la facture du programme marxiste de Marine Le Pen".
Après avoir envisagé une prise de position commune, les trois organisations patronales représentatives, le Medef, qui défend notamment les grandes entreprises, la CPME (petites et moyennes entreprises) et l'U2P (entreprises de proximité) y ont renoncé, tout en réagissant avec une anxiété partagée à la dissolution de l'Assemblée nationale.
"Une nouvelle campagne démarre dans laquelle nous ne partagerons pas certaines visions politiques incompatibles avec la compétitivité des entreprises et la prospérité du pays et de nos concitoyens", a remarqué sans autre détail le Medef, dans une déclaration à l'AFP.
Cependant, signe d'une certaine inquiétude, son président Patrick Martin a échangé lundi matin avec Michel Picon, le président de l'U2P, alors que les deux organisations ont actuellement de vifs désaccords.
"Nous avons convenu de mettre ces sujets en pause pendant la campagne, pour prioriser les intérêts de nos entreprises petites et grandes face aux risques de propositions économiques ou sociales folles", a expliqué M. Picon à l'AFP.
Il a évoqué de "l'amertume" après une dissolution qui met en péril des projets de loi intéressant les petites entreprises, comme ceux sur la simplification ou sur la fin de vie, et déploré qu'on n'ait "aucune information" sur le sort de la réforme de l'assurance-chômage, ou de la future loi Travail.
L'U2P, a-t-il rappelé, avait estimé en 2022 que le programme économique de Marine Le Pen, "s'il était décliné, aurait des conséquences mauvaises pour l'entreprise".
Cette organisation patronale veut "respecter le choix du peuple, mais le RN doit dire plus précisément ce qu'il entend sur les sujets ayant un impact fiscal, social, économique pour les petites entreprises", a-t-il ajouté, citant la retraite à 60 ans ou l'immigration : sur ce point, "qu'en est-il pour tous les gens qui bossent chez nous aujourd'hui?", s'est demandé M. Picon.
- "Pas de contagion" -
La CPME a rappelé dans un communiqué ses priorités, à savoir poursuite de la politique de l'offre, décarbonation de l'économie et réformes du système de protection sociale.
Elle a souligné l'énormité de la dette publique : "Quiconque engagerait des réformes coûteuses sans prendre en compte cet élément exposerait la France à un risque majeur", a-t-elle prévenu.
A titre individuel, les patrons essayaient lundi de garder la tête froide face au possible impact d'une poussée du RN.
"Le message, c’est : +D’abord, pas de panique, ce n’est pas fait!+", soulignait la direction d'un poids lourd du CAC 40, ajoutant : "Tout le monde veut renverser la table mais, une fois au pouvoir, les responsabilités, ça responsabilise !".
"Nous sommes des acteurs économiques qui ne faisons pas de politique", assurait pour sa part Thierry Cotillard, patron des Mousquetaires/Intermarché. Mais "quels que soient les politiques nous irons défendre âprement nos positions", prévenait-il.
Le patron de la filiale française d'un groupe industriel européen regrettait "qu'on ne sache rien" du programme économique du RN. "On vient de vivre pendant 10 ans une amorce de réindustrialisation avec une politique de l'offre qui a porté ses fruits. Est-ce que tout cela sera poursuivi?", s'interrogeait-il.
Dans la majorité, on se demandait lundi si quelques patrons ou hauts fonctionnaires ne seraient pas tentés par une aventure personnelle avec le RN en cas de score élevé de celui-ci en juillet.
Un député Renaissance craignait ainsi qu'"un écart très important convainque un certain nombre de gens compétents de monter dans le wagon", et que cela "professionnalise le RN". Mais pour l'instant, "les digues tiennent", se rassurait-il.
"Il n'y a pas de contagion du patronat par le RN", estimait aussi un ancien ministre, tout en s'alarmant également "du cynisme de certains qui préparent la suite".
A.P.Huber--NZN