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Kosovo, munitions serbes en Ukraine, réserves de lithium : le nouveau Premier ministre serbe expose dans un entretien à l'AFP les grands défis de son gouvernement, assurant que son pays est prêt à des "compromis" avec le Kosovo.
La Serbie est "absolument prête à discuter avec Pristina", à "conclure des accords, à faire des compromis", a assuré Milos Vucevic à la veille d'une rencontre entre le président serbe Aleksandar Vucic et le Premier ministre kosovar Albin Kurti - la première depuis près d'un an.
"Il vaut mieux s'asseoir mille fois autour d'une table sans résultats plutôt que d'avoir un seul incident sur le terrain. Mieux vaut s'asseoir, se rencontrer, essayer de se parler. Tout plutôt qu'une escalade", a-t-il ajouté, sans préciser quelle pourrait être la nature des compromis serbes.
"Les grandes nations, les grands Etats ne le sont pas du fait de leur territoire, mais de leur responsabilité à rechercher la paix et le compromis", a dit M. Vucevic, dont le pays n'a jamais reconnu l'indépendance du Kosovo, son ancienne province. Avant d'imputer à Albin Kurti la responsabilité de l'état de mort clinique du dialogue entre les deux pays. "Je crois qu'il ne veut pas du tout que le dialogue réussisse".
Les tensions entre la Serbie et son ancienne province n'ont jamais cessé depuis la guerre du Kosovo à la fin des années 1990, qui a fait des milliers de morts et entraîné une intervention armée de l'Otan contre Belgrade. Les quelques avancées du dialogue sont depuis régulièrement suivies d'embrasement - et d'un retour au statu quo.
- Armes -
Milos Vucevic, nommé Premier ministre au printemps après plusieurs années à la tête du ministère de la Défense, a par ailleurs reconnu que des armes serbes pouvaient se retrouver sur le front en Ukraine pour aider Kiev.
Lundi, le porte porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait prévenu que la Russie allait "se pencher sur les affirmations" selon lesquelles des munitions serbes se sont retrouvées dans les mains de Kiev et "en discutera avec ses amis serbes".
"Il ne s'agit pas d'une contribution serbe à l'un des belligérants", a assuré M. Vucevic, dont le pays est historiquement proche de Moscou, mais plutôt d'armes vendues à des pays tiers qui, ensuite, les redistribuent, selon lui.
"Je ne veux pas empêcher les entreprises de vendre nos munitions à l'Espagne, à la République tchèque, aux États-Unis... Parce qu'il n'est pas interdit et qu'il n'est pas immoral que nous produisions des armes et des munitions qui, malheureusement, sont aussi utilisées là où il y a la guerre", a-t-il précisé.
La Serbie chemine depuis des années sur une ligne de crête entre Est et Ouest - particulièrement étroite depuis l'invasion de l'Ukraine. Candidat à l'adhésion à l'UE, Belgrade a condamné à l'ONU l'invasion russe de l'Ukraine, mais refuse de s'aligner sur les sanctions occidentales contre Moscou, qui fournit plus de 90% du gaz utilisé en Serbie.
- Lithium -
Milos Vucevic est aussi revenu sur le projet hautement inflammable de mine de lithium dans l'ouest du pays, qui a valu au précédent gouvernement des manifestations monstres conduisant à l'arrêt temporaire du projet.
Si le gouvernement finit par donner son accord, Rio Tinto, propriétaire du terrain depuis près de 20 ans, pourrait extraire jusqu'à 58.000 tonnes de lithium par an à Jadar, près de la frontière avec la Bosnie.
L'exploitation minière est "l'un des piliers de la création de notre Etat, et je ne vois pas pourquoi cela ne devrait pas être le cas dans le futur", a dit M. Vucevic. "Si la Serbie possède un tel potentiel économique, intéressant pour tout le continent européen, alors cela peut être un tournant non seulement économique, mais aussi politique".
Soucieux de rassurer l'opposition, qui s'apprête à manifester dès vendredi contre la reprise du projet, M. Vucevic a martelé que la Serbie "n'est pas une colonie", que "personne ne viendrait piller ses ressources naturelles", et a certifié que "chaque décision serait prise exclusivement dans l'intérêt de la Serbie et de ses citoyens".
Le gouvernement ne laissera jamais "personne détruire les rivières, les champs, les forets, les montagnes", a-t-il assuré. Avant de justifier l'exploitation de l'or blanc du lithium en le comparant à l'or noir. "Imaginez si l'Arabie saoudite, les Emirats, le Koweït, la Libye ou l'Irak n'avaient pas exploité leur pétrole, si des pays d'Europe n'exploitaient pas leurs minerais, si la Norvège avait arrêté d'extraire du pétrole, que la fédération de Russie avait arrêté d'extraire du pétrole, du gaz ?".
Essentiel dans la transition écologique, le lithium, qui permet la fabrication de batteries, pourrait accélérer les perspectives européennes de la Serbie - dont l'intérêt stratégique, a assuré M. Vucecic, "est de devenir un membre à part entière de l'UE".
O.Pereira--NZN