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Pas la "pute de Poutine": désormais installée en Russie, la ministre autrichienne déchue des Affaires étrangères Karin Kneissl se défend, au moment où Vienne est rattrapée par sa réputation de nid d'espions de Moscou.
"On m'a insultée et vraiment réduite à un agent du Kremlin", explique dans un entretien accordé par visioconférence à l'AFP cette ancienne diplomate de 59 ans. "Mais je n'y ai pas mis les pieds depuis 2018, ils ont d'autres chats à fouetter".
De son passage au gouvernement, on retient sa valse avec le président russe invité à son mariage, alors que l'Autriche présidait l'UE.
A l'époque, elle dirigeait la diplomatie du pays alpin après avoir été nommée fin 2017 par le mouvement d'extrême droite FPÖ, allié au parti Russie unie de Vladimir Poutine.
Karin Kneissl a depuis pris ses distances avec une formation "qui a essayé de se débarrasser" d'elle parce qu'elle était "trop indépendante", assure-t-elle.
Elle balaye aussi tout rôle joué dans les affaires d'espionnage au profit de la Russie qui ont récemment émergé, le Secrétaire général de son ministère ayant été en contact, selon les enquêteurs, avec un agent double présumé.
Depuis l'arrestation de ce personnage de roman noir, Egisto Ott, les informations émanant du parquet fusent, selon lesquelles des taupes proches du FPÖ séviraient toujours dans les arcanes de l'Etat.
"Je n'ai jamais rencontré Monsieur Ott, je ne sais rien de tout cela et je suis à la disposition de la justice", plaide Mme Kneissl.
- "Odyssée" -
Après avoir connu dans les sommets de l'Etat une forte popularité auprès des Autrichiens, elle raconte avoir vécu une brutale descente aux enfers, marquée au fer rouge par les images ayant fait le tour du monde de sa "danse avec le tsar".
Parlant huit langues, Karin Kneissl affirme avoir quitté l'Autriche en septembre 2020, un peu plus d'un an après son départ du gouvernement.
Elle évoque les agressions dont elle faisait l'objet dans la rue et les insultes qui fusaient sur son passage, alors qu'il "lui est arrivé d'être traitée de pute de Poutine".
Habituée de l'antenne de Russia Today, cette diplômée de l'ENA, parfaite francophone, est d'abord partie pour l'Hexagone, où ses interventions sur la chaîne interdite ensuite de diffusion dans l'UE n'ont, semble-t-il, pas été appréciées par les autorités.
Faute de pouvoir ouvrir un compte bancaire et de se loger durablement, elle dit avoir un temps "survécu dans la rue, sur un matelas", avant de gagner le Liban qu'elle connaît bien comme spécialiste du Moyen-Orient.
Puis l'université de Saint-Pétersbourg lui a proposé de prendre la tête d'un institut de recherche, ce qu'elle a fait en septembre 2023, "posant enfin ses valises" en Russie, "très, très fatiguée par cette odyssée".
Elle avait auparavant officié au sein du Conseil de surveillance du géant pétrolier russe Rosneft, poste qu'elle a quitté en mai 2022 à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine, qu'elle n'a pas condamnée explicitement lors d'un entretien avec la BBC l'an dernier.
Pour cette fonction, elle dit avoir touché au total "350.000 dollars nets".
- Avec ses poneys -
Pour gagner la Russie depuis le Proche-Orient, elle admet alors avoir contacté "pour la première fois" les autorités russes, faute de solution, en vue de "faire déménager" via une base aérienne de Syrie des animaux, dont deux poneys, qui l'avaient suivie tout au long de son périple.
Heureuse de l'anonymat dans son pays d'accueil, elle dit que son rôle consiste désormais à "créer des idées", comme par exemple pour "assurer les exportations" russes sans dépendre des acteurs occidentaux dominant le transport maritime.
Elle observe au passage "comme le monde se dirige vers d'autres horizons", la Russie traitée en paria par ses clients naturels nouant "de manière accélérée" des liens "avec l'Iran, la Chine ou le Zimbabwe".
Désormais séparée de son mari, rare personnalité occidentale passée à l'Est, Karin Kneissl veut s'installer durablement dans un coin de campagne de la grande périphérie de Moscou, aller enseigner dans toute la Russie et faire la navette avec Saint-Pétersbourg.
Elle revient sur ces dernières années de controverses dans un livre paru en russe et affirme, malgré tous ses déboires, ne pas regretter d'avoir guinché avec Vladimir Poutine dans sa robe de mariée.
"Ministre ou pas ministre, je danse avec qui je veux", lance-t-elle.
T.Gerber--NZN