AEX
-11.9800
Le Rassemblement national est arrivé largement en tête dimanche du premier tour d'élections législatives historiques et a demandé aux Français de lui donner une majorité absolue au deuxième tour qui pourrait conduire l'extrême droite au pouvoir pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.
Alors que s'engagent déjà les débats sur la formation et l'étendue d'un "front républicain" pour lui faire barrage, le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen est en mesure d'obtenir une forte majorité relative voire une majorité absolue dimanche prochain.
Mais le scénario d'une Assemblée nationale bloquée, sans alliances majoritaires envisageables entre les trois blocs en présence, reste aussi une possibilité.
Avec 33,5-34% des suffrages, le RN et ses alliés obtiennent leur meilleur score au premier tour d'un scrutin, améliorant celui déjà record des européennes, selon les estimations des instituts Ipsos et Ifop. Ils devancent le Nouveau Front populaire réunissant la gauche, qui obtient 28,1-29,1%, loin devant le camp d'Emmanuel Macron à 20,7-22,1%, lors de ce vote marqué par une participation en forte hausse.
Les Républicains (LR) qui n'ont pas fait alliance avec le RN s'établissent autour de 10%.
"Il nous faut une majorité absolue", a lancé Marine Le Pen, annonçant sa propre élection comme députée dès le premier tour dans son fief d'Hénin-Beaumont.
- "Respectueux" mais "intransigeant" -
Selon la triple candidate à la présidentielle, "le bloc macroniste" est "pratiquement effacé" après ce premier dimanche de vote anticipé provoqué par la dissolution surprise de l'Assemblée.
Il s'agirait d'une cohabitation inédite entre Emmanuel Macron, président proeuropéen, et un gouvernement beaucoup plus hostile à l'Union européenne, qui pourrait faire des étincelles au sujet des prérogatives des deux têtes de l'exécutif, notamment en matière de diplomatie et défense.
L'issue du second tour dépendra en bonne partie des désistements et consignes de vote dans chaque circonscription. Avant ces décisions cruciales, un nombre record de triangulaires potentielles est attendu, pouvant concerner quelque 300 des 577 sièges de députés en jeu.
"Face au Rassemblement national, l'heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour", a affirmé Emmanuel Macron dans une déclaration écrite transmise aux médias dès 20H00.
- "Ni-ni" -
A l'Elysée comme chez la plupart des ténors de son camp, ce rassemblement semble devoir exclure les candidats de La France insoumise, ou un certain nombre d'entre eux.
Son ex-Premier ministre Edouard Philippe a ainsi estimé qu'"aucune voix" ne devait "se porter sur les candidats du Rassemblement national, ni sur ceux de la France insoumise". Quelques voix macronistes, dont celles du ministre Roland Lescure, se sont toutefois élevées pour faire "barrage à l'extrême droite" y compris, si nécessaire, en votant pour un candidat LFI.
A gauche, plusieurs dirigeants ont a nouveau appelé au désistement de leurs troupes si un autre candidat est mieux placé face au RN.
Après avoir entretenu un certain flou, Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, a annoncé que ses candidats se retireraient s'ils terminaient troisièmes et que le RN était en tête.
"Il serait incompréhensible que certains continuent à ne pas faire la différence entre la gauche et l'extrême droite", a réagi la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, appelant à la "construction d'un nouveau front républicain", malgré son étiolement continue au fils des ans.
LR a pour sa part refusé de donner des consignes de vote pour le second.
La dissolution annoncée par le chef de l'Etat au soir de la déroute de ses candidats aux élections européennes du 9 juin devrait quoi qu'il en soit bouleverser profondément le paysage politique.
Autre allié-clé d'Emmanuel Macron, le chef du MoDem François Bayrou a dit regretter un "vote sanction" qui représente une "menace" au terme d'un scrutin marqué par une forte défiance, voire un rejet du président.
- Faure réélu, Roussel battu -
Selon Ipsos, il pourrait y avoir entre 65 et 85 élus dès le premier tour. Parmi eux, le député RN du Nord Sébastien Chenu et le patron des socialistes Olivier Faure dans la Seine-et-Marne.
D'autres personnalités sont éliminées sans attendre le ballottage, dont le chef de communistes Fabien Roussel, ou l'ex-ministre socialiste Jérôme Cahuzac qui avait tenté un retour en politique malgré sa condamnation pour fraude fiscale.
Plusieurs figures de la politique nationale se sont lancés dans la bataille, comme l'ancien président François Hollande en Corrèze (en tête du premier tour avec 37,7%) ou l'un des ténors de la droite Laurent Wauquiez (en tête dans sa circonscription de Haute-Loire).
Chez les ministres, Gérald Darmanin est en tête dans Nord devant le RN. L'ex-cheffe du gouvernement Elisabeth Borne est deuxième derrière le parti d'extrême droite, dans le Calvados.
La gauche est parvenue à surmonter des divergences qui pouvaient sembler irréconciliables pour s'unir dans la foulée de la dissolution, malgré des différends entre LFI et ses partenaires qui ont parasité sa campagne, notamment sur le leadership contesté de Jean-Luc Mélenchon.
Pendant ce temps, rien n'a semblé freiner la dynamique du RN en campagne sur le pouvoir d'achat et contre l'immigration: ni le flou sur l'abrogation de la réforme des retraites d'Emmanuel Macron ni les polémiques sur les binationaux, ou les propos sulfureux de certains candidats d'extrême droite.
La participation devrait s'établir au moins à 65% des inscrits, selon les instituts de sondage. Soit bien au-delà des 47,51% de 2022, mais en-deçà des 67,9% des dernières législatives organisées après une dissolution, en 1997.
- "Retrouver la sérénité" -
En outre-mer, les députés sortants du groupe centriste Liot ou investis par le NFP sont en tête en Guadeloupe et en Guyane. En Polynésie, le candidat autonomiste Moerani Frébault est élu dès le premier tour.
Dans les bureaux de vote, beaucoup d'électeurs ont témoigné pendant la journée de leur fébrilité pour ces élections anticipées.
"J'aimerais retrouver de la sérénité car depuis les élections européennes, tout a pris une ampleur inquiétante. Mais il faut continuer à se battre pour ce que l'on croit", a affirmé à l'AFP Roxane Lebrun, 40 ans, à Bordeaux. A Saint-Etienne, Christophe, policier de 22 ans, s'inquiétait d'un scrutin risquant d'"encore plus diviser la population".
A Rennes comme à Lyon, de nombreux magasins en centre-ville ont protégé leur vitrine par crainte de débordements après l'annonce des résultats.
L.Zimmermann--NZN