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Main dans la main, Andrea et Fiorella assistent à une messe donnée dans le garage d'une maison de San Salvador. Là, disent-elles, elles n'ont pas peur des discriminations d'un gouvernement et d'une société qui se ferme à la diversité sexuelle.
Devant un crucifix accroché à une pilier sous une rangée de drapeaux multicolores, une quinzaine de membres de la communauté LGBT+ chantent, communient et écoutent des passages de la Bible.
"C'est un espace sûr où je peux venir avec ma partenaire, être accueillie sans être jugée", explique à l'AFP Fiorella Turchkeim, psychologue de 30 ans.
Pour elle et Andrea Ordóñez, pharmacienne du même âge, la "Comunidad Santa Maria Magdalena", une organisation d'inspiration anglicane qui se définit comme "radicalement inclusive", offre un moment "de répit" dans un climat d'"intolérance".
Selon l'Organisation des femmes salvadoriennes pour la paix, "Huit personnes LGBT+ sur 10" souffrent de "discrimination sur la base de leur seule orientation sexuelle" ou de leur identité de genre.
- "Ultra-droitiers et méga-réactionnaires" -
Réélu triomphalement pour cinq ans en février dernier plébiscité pour sa lutte contre les gangs, le président Nayib Bukele a adopté une politique conservatrice, même si, avant d'arriver au pouvoir, il affirmait soutenir les revendications LGBT+.
Il y a une semaine, le président de 42 ans a annoncé le licenciement de 300 employés du ministère de la Culture pour avoir défendu des thèmes incompatibles avec la vision de son gouvernement que sont défense de la "famille traditionnelle", de la "foi" et de la "vie", selon des élus du camp au pouvoir.
Quelques jours plus tôt, une pièce de théâtre mettant en scène une artiste drag queen a été annulée après sa première représentation car elle offrait un "contenu inadapté aux familles salvadoriennes", selon le ministère de la Culture avec à sa tête un nouveau ministre chargé selon M. Bukele de "promouvoir nos valeurs".
En février, le ministère de l’Education avait annoncé la suppression de "toute trace" de la perspective de genre dans les programmes scolaires.
Une décision prise au retour de M. Bukele de la plus grande convention des conservateurs aux Etats-Unis, où au côté de son homologue argentin Javier Milei, il a ovationné l'ancien président américain Donald Trump, candidat à la réélection en novembre.
Selon l'anthropologue Juan Martinez, M. Bukele a rejoint "ce petit club de politiciens ultra-droitiers et méga-réactionnaires".
De son côté le ministère de la Santé a supprimé un protocole en vertu duquel les personnes issues de la diversité sexuelle recevaient des soins "sans stigmatisation ni discrimination", dans le cadre d'un programme de prévention du VIH, a déclaré à l'AFP Aranza Santos, du Colectivo Alejandría LGBTQI+.
"Il le fait pour plaire aux ultraconservateurs qui font pression sur lui", estime-t-elle, déplorant "une continuité des attaques" contre les droits de la communauté LGBT+.
L'AFP a sollicité le gouvernement mais n'a pas reçu de réponse à ce jour.
- "Lutter pour nos droits" -
Les LGBT+ sont placés "dans une position de vulnérabilité" quand les gens entendent le président Bukele "dire qu'ils sont contre-nature, anti-dieu, anti-famille", estime après la messe Luis Chavez, le pasteur homosexuel de la "Comunidad Santa Maria Magdalena" qui réunit depuis deux ans dans la maison d'une ONG les fidèles "blessés par les Eglises traditionnelles".
Fiorella Turchkeim et Andrea Ordóñez, après avoir partagé l'eucharistie, racontent être en couple depuis deux ans mais "pour éviter les problèmes" ne montrent pas leur affection en public.
Mme Ordóñez raconte avoir fait partie d'une chorale catholique mais qu'elle en a été exclue, son directeur, en parlant du lesbianisme lui ayant lancé que c'était une "aberration".
"Cela a été un choc de me dire qu'il n'y avait pas de place pour moi", se souvient-elle.
Le gouvernement et une partie de la société "veulent nier notre existence et face à cela, nous devons élever la voix, exiger et lutter pour nos droits", dit à l'AFP Grecia Villalobos, militante de Concavis Trans, une organisation qui défend les droits des personnes transgenres.
Andrea et Fiorella prévoient de se marier en août 2025, mais elles devront se rendre au Costa Rica, où les unions entre personnes du même sexe sont légales depuis mai 2020.
"On aurait aimé que ce soit ici, mais bien sûr ce n'est pas pensable", se résigne Fiorella Turchkeim.
D.Graf--NZN