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L'organisme de surveillance de la police kényane enquête sur l'implication potentielle de la police après la macabre découverte vendredi de corps mutilés jetés dans une décharge de Nairobi.
L'Autorité indépendante de contrôle de la police (IPOA) cherche également à faire la lumière sur des allégations d'enlèvements et d'arrestations illégales de manifestants portés disparus à la suite de récentes manifestations antigouvernementales.
La police de Nairobi a fait état vendredi de la découverte de "six corps gravement mutilés, tous de femmes, dans des états variés de décomposition" à Mukuru, un bidonville situé dans le sud de la capitale.
De son côté, l'IPOA a indiqué que les restes d'au moins neuf personnes, sept femmes et deux hommes, ont été retrouvés.
"Les corps, enveloppés dans des sacs et attachés par des cordes en nylon, portaient des marques visibles de torture et de mutilation", a précisé la même source, soulignant que la décharge est située à moins de 100 mètres d'un commissariat de police.
"Alors que les enquêtes policières sont en cours, l'IPOA mène des enquêtes préliminaires en toute indépendance pour déterminer si la police est impliquée dans ces décès, ou si elle n'a pas agi pour les empêcher", a indiqué l'agence.
Les forces de sécurité kényanes sont sous surveillance après la mort de dizaines de personnes lors des manifestations contre des hausses d'impôts du mois dernier, accusées par des groupes de défense des droits humains de recourir à une force excessive.
La police avait alors tiré à balles réelles sur la foule. Selon l'agence officielle de protection des droits humains (KNHCR), 39 personnes sont mortes depuis la première manifestation le 18 juin.
De nombreuses organisations de défense des droits humains avaient critiqué les méthodes employées par les forces de l'ordre et demandé l'ouverture d'enquêtes.
Le chef de la police nationale, Japhet Koome, qui a cristallisé une grande colère de l'opinion publique après ces violences meurtrières, a démissionné après moins de deux ans à ce poste, a annoncé vendredi la présidence kényane.
- "Ruto doit partir" -
Des foules rassemblées vendredi sur le site où les corps ont été retrouvés dans la décharge scandaient "Ruto doit partir", le slogan entonné pendant la vague de protestation menée par les jeunes Kenyans de la génération Z (nés après 1997).
Au Kenya, la police est redoutée et fait face à de fréquentes allégations d'exécutions extrajudiciaires, mais elle est rarement condamnée.
Des images diffusées par la télévision locale ont montré des personnes à Mukuru utilisant des cordes pour tirer des sacs en plastique contenant les restes humains pour les extraire d'une eau jonchée d'ordures dans une carrière abandonnée.
La Direction des enquêtes criminelles a indiqué de son côté que des enquêtes préliminaires laissent penser que toutes les victimes ont été tuées de la même manière, sans donner davantage de précisions.
Le bureau du procureur général a également pointé la localisation des corps à proximité d'un commissariat, se déclarant "profondément préoccupé" par cette découverte "qui témoigne d'une grave violation des droits de l'homme".
Il a ordonné à la police de remettre les résultats de son enquête dans un délai de 21 jours et a également exhorté les agences d'Etat, notamment l'IPOA, à accélérer leurs enquêtes sur des informations faisant état de disparitions forcées et de décès qui auraient été causés par la police.
Pour sa part, la Commission kényane des droits de l'homme, une organisation non gouvernementale, a déclaré qu'elle demandait également une "enquête approfondie" pour déterminer la cause des décès des personnes retrouvées dans la décharge.
"Les auteurs doivent être tenus pour responsables", a-t-elle déclaré vendredi sur X. "Le régime kenyan de Kwanza, dirigé par William Ruto, doit assumer ses responsabilités pour ce crime odieux."
- Escadrons -
La police kenyane est régulièrement accusée de recourir à une force excessive et de commettre des homicides en toute impunité, en particulier dans les quartiers pauvres.
Des policiers auraient également dirigé des escadrons ciblant notamment des militants des droits de l'homme et des avocats enquêtant sur des allégations d'abus commis par la police.
Le Parlement kényan a créé l'IPOA en 2011 pour assurer un contrôle civil sur une institution puissante également réputée être l'une des plus corrompues du pays.
Les militants défendent largement le bilan de l'IPOA, affirmant que la police fait souvent échouer les enquêtes en refusant de coopérer.
N.Fischer--NZN