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Le Kremlin a réagi mardi avec circonspection aux propos du président ukrainien qui a ouvert la veille la porte à des pourparlers avec Moscou, pour la première fois depuis le printemps 2022, en évoquant une présence russe à un futur sommet de paix.
Volodymyr Zelensky a assuré lundi être favorable à la présence de Moscou à un prochain sommet, après la conférence organisée en Suisse, mi-juin, sur la paix en Ukraine qui avait réuni des dizaines de dirigeants mais dont la Russie avait été exclue.
"Le premier sommet pour la paix n'était pas du tout un sommet pour la paix. Donc, visiblement, il faut d'abord comprendre ce qu'il (M. Zelensky) entend par là", a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, dans une interview à la chaîne Zvezda, diffusée mardi.
M. Zelensky a, lui, affirmé vouloir présenter en novembre --mois de l'élection présidentielle aux Etats-Unis-- un "plan" pour "une paix juste", après près de deux ans et demi d'un conflit à grande échelle qui a fait des centaines de milliers de victimes.
Il a également dit souhaiter que des "représentants russes" participent au prochain sommet sur la paix en Ukraine à une date indéterminée.
La Russie occupe toujours près de 20% du territoire ukrainien et les perspectives d'un cessez-le-feu restent minimales.
C'est la première fois toutefois depuis l'échec de pourparlers au printemps 2022, dans la foulée de l'assaut russe du 24 février, que Volodymyr Zelensky émet l'idée de discussions avec Moscou sans retrait russe préalable du territoire ukrainien.
Le président ukrainien n'a pas évoqué l'arrêt des hostilités, mais l'établissement "d'un plan" dans trois domaines: la sécurité énergétique de l'Ukraine, dont l'infrastructure a été ravagée par les bombardements russes, la libre navigation en mer Noire, sujet clé pour les exportations ukrainiennes, et les échanges de prisonniers.
Sur le front, aucune percée décisive d'un des deux camps n'est en vue.
L'armée russe, plus nombreuse et disposant d'une puissance de feu supérieure, grignote lentement du terrain dans l'Est du pays, au prix de lourdes pertes en soldats et en équipements.
- Election américaine -
L'Ukraine, Volodymyr Zelensky en tête, répète régulièrement vouloir recouvrer sa souveraineté sur l'ensemble des territoires occupés, y compris la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014.
Le Kremlin, de son côté, a jusqu'ici exclu tous pourparlers de paix tant que l'Ukraine ne lui abandonnera pas les cinq régions dont Moscou revendique l'annexion et ne renoncera pas à son alliance avec l'Occident. De facto, il s'agirait d'une capitulation.
Les Occidentaux, qui arment Kiev, considèrent que c'est à l'Ukraine de décider quand et à quelles conditions des discussions avec la Russie pourraient avoir lieu.
"S'ils veulent inviter la Russie au sommet, nous les soutiendrons", a réagi lundi le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller, estimant cependant que le Kremlin ne montre aucun signe de vouloir une solution diplomatique au conflit.
L'issue de l'élection présidentielle aux États-Unis, principal allié de l'Ukraine, pourrait jouer un rôle important dans l'évolution du conflit.
Le républicain Donald Trump, qui a vanté la politique de Vladimir Poutine par le passé, a promis d'arrêter la guerre en quelques semaines en cas d'élection, laissant craindre à certains qu'il réduise l'aide américaine, un soutien aujourd'hui indispensable à l'Ukraine.
- "Aucune raison" -
Le politologue Alexandre Gabouïev, directeur du Centre Carnegie Russie Eurasie, basé à Berlin, estime que l'annonce de M. Zelensky fait suite à "la consolidation de la position de la communauté internationale" lors du sommet en Suisse, des dizaines de pays y ayant pris fait et cause pour Kiev.
Avant M. Zelensky, rappelle-t-il, d'autres responsables ukrainiens avaient évoqué une éventuelle participation de Russes à un second sommet pour "leur présenter un ultimatum".
"La seule concession, actuellement, c'est que la Russie sera invitée et qu'il aura des discussions sur comment la Russie doit se rendre, suivant la logique de Zelensky", estime l'expert, auprès de l'AFP.
Sceptique, il juge d'une part "improbable" que ces déclarations ukrainiennes conduisent à des "changements concrets" sur le plan diplomatique, et estime d'autre part que "la Russie n'a absolument aucune raison de participer à des conférences diplomatiques à ce stade".
Plusieurs tentatives de médiation et de négociations ont déjà échoué.
Dans les premières semaines de l'attaque russe en 2022, des délégations russe et ukrainienne s'étaient rencontrées au Bélarus, puis en Turquie, pour essayer de parvenir à un accord de paix. En vain.
En février 2023, la Chine, alliée de la Russie, avait aussi présenté, sans succès, sa propre intiative.
Enfin, Kiev et ses alliés ont rejeté l'appel à ce que l'Ukraine cesse le feu lancé par le Premier ministre hongrois Viktor Orban, seul interlocuteur de M. Poutine au sein de l'UE, qui s'est rendu début juillet à Kiev puis à Moscou.
W.O.Ludwig--NZN