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Les affrontements au Bangladesh entre les forces de l'ordre et les étudiants qui manifestent contre des quotas d'embauche dans la fonction publique ont fait 39 morts en 48 heures, tandis que le siège de la télévision d'Etat a été incendié jeudi et que l'internet est quasiment coupé.
Des centaines de manifestants ont débordé la police antiémeutes qui avait fait usage contre eux de balles en caoutchouc et ont pourchassé les policiers qui se sont réfugiés au siège de la BTV à Dacca, la capitale.
La foule en colère a ensuite incendié l'accueil de cette chaîne de télévision et des dizaines de véhicules garés à l'extérieur.
"Le feu continue (...). Notre diffusion a été pour l'instant interrompue", a raconté un responsable de BTV, selon lequel le personnel a pu évacuer le bâtiment en toute sécurité.
Dans un discours télévisé, la cheffe du gouvernement Sheikh Hasina avait condamné mercredi le "meurtre" de manifestants et avait promis que les responsables seraient punis quelle que soit leur affiliation politique.
Mais cela n'a pas suffi. La violence s'est aggravée au moment où la police tentait à nouveau de disperser les protestataires avec des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène.
- Des heurts dans plusieurs villes -
"Nous exigeons d'abord que la Première ministre nous présente ses excuses", a déclaré à l'AFP Bidisha Rimjhim, une manifestante de 18 ans. "Il faut que justice soit rendue pour nos frères tués".
Au moins 32 personnes, dont un journaliste, ont perdu la vie jeudi, en plus des sept morts signalés plus tôt dans la semaine, selon un comptage établi par l'AFP sur la base des données fournies par les hôpitaux.
Les armes "non létales" de la police sont à l'origine de plus des deux tiers des décès recensés, ressort-il d'informations obtenues par l'AFP de mêmes sources.
De nouveaux heurts ont éclaté dans plusieurs villes du Bangladesh tout au long de la journée quand la police antiémeute a chargé les manifestants, qui ont mis en place une nouvelle série de barrages humains sur des axes routiers.
Dans la capitale, des hélicoptères ont secouru jeudi 60 policiers coincés sur le toit d'un campus de l'Université canadienne, théâtre de violents affrontements, a annoncé dans un communiqué le Bataillon d'action rapide.
Des manifestants ont par ailleurs mis le feu à une douzaine de véhicules à l'entrée du bâtiment abritant à Dacca l'agence nationale chargée de la gestion des catastrophes.
- Appel de l'ONU à la retenue -
"Nous avons sept morts ici", a dit à l'AFP sous le couvert de l'anonymat un responsable de l'hôpital Uttara Crescent de cette cité. "Les deux premiers étaient des étudiants avec des blessures par balle en caoutchouc. Les cinq autres présentaient des blessures (infligées) par des balles d'armes à feu", a-t-il précisé.
Et un millier de personnes ont été hospitalisées pour des blessures subies au cours de heurts avec la police, a affirmé le responsable, ajoutant que beaucoup d'entre elles avaient été atteintes par des balles en caoutchouc.
Didar Malekin, du média en ligne Dhaka Times, a informé l'AFP que Mehedi Hasan, l'un de ses reporters, avait été tué pendant qu'il couvrait les violences dans la capitale.
Les participants aux manifestations quasi-quotidiennes exigent la fin du système de quotas : celui-ci, selon eux, profite aux enfants des groupes soutenant Sheikh Hasina, 76 ans, qui dirige le Bangladesh depuis 2009.
Mubashar Hasan, un expert de ce pays à l'Université d'Oslo en Norvège, a relevé que ces rassemblements s'étaient transformés en l'expression d'un mécontentement généralisé à l'égard du régime.
Les manifestants "protestent contre le caractère répressif de l'Etat", a-t-il expliqué à l'AFP. Ils "remettent en question le leadership d'Hasina, l'accusant de s'accrocher au pouvoir par la force", "les étudiants la traitent en fait de dictatrice", estime-t-il.
Le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, a appelé toutes les parties à la retenue.
"Nous exhortons le gouvernement à garantir un environnement propice au dialogue. Et nous encourageons les manifestants à engager le dialogue pour sortir de l'impasse", a-t-il déclaré aux journalistes. "La violence n'est jamais une solution".
- "Coupure quasi-totale" de l'internet -
"Les données en temps réel montrent que le Bangladesh est en outre touché par une coupure quasi-totale d'internet", a fait savoir sur X NetBlocks.
Selon cette organisation de surveillance du réseau, cela "fait suite à des efforts antérieurs visant à étrangler les médias sociaux et à restreindre les services de données mobiles", des outils de communication clés pour les organisateurs de manifestations.
Les sites en ligne des ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères ainsi que ceux des journaux Dhaka Tribune et Daily Star n'étaient pas disponibles jeudi soir.
Le ministre adjoint des Télécommunications, Zunaid Ahmed Palak, a déclaré à l'AFP que le gouvernement avait ordonné la coupure du réseau pour éviter "des rumeurs, des mensonges et de la désinformation".
Parallèlement à la répression policière, les manifestants et les étudiants alliés à la Ligue Awami de la Première ministre se sont également affrontés dans les rues à coups de briques et de tiges de bambou.
Amnesty International a assuré que des vidéos sur les affrontements de cette semaine montraient que les forces de sécurité bangladaises avaient eu recours à une force illégitime.
P.Gashi--NZN