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"Faire bassine arrière": quinze mois après les affrontements à Sainte-Soline, plusieurs milliers d'opposants aux réserves d'irrigation, rassemblés depuis mardi dans les Deux-Sèvres, sont partis manifester vendredi dans la Vienne voisine malgré l'interdiction des autorités.
Cette "grande marche", destinée à "arracher un moratoire" sur la construction des retenues d'eau, leur fait craindre "des actes d'une grande violence": plus de 3.000 gendarmes ont été mobilisés pour "protéger" exploitations et installations agricoles.
Entre 5.000 et 7.000 personnes, venues de France et de l'étranger, ont rejoint depuis mardi le "Village de l'eau", rassemblement organisé jusqu'à dimanche à Melle par le collectif Bassines Non Merci (BNM), les mouvements écologistes Les Soulèvements de la Terre et Extinction Rébellion, l'union syndicale Solidaires et l'association altermondialiste Attac, avec la participation de 120 structures militantes.
Depuis 08H30, plus de 3.000 personnes selon les organisateurs ont quitté le campement pour rejoindre, à vélo ou en voiture, d'autres lieux de rendez-vous avant la manifestation prévue à Saint-Sauvant (Vienne), sur le site d'une future "bassine", bravant l'interdiction de manifester.
"Les forces de l'ordre, après sommations, ont donc été contraintes de faire usage de grenades lacrymogènes", a écrit la préfecture des Deux-Sèvres sur le réseau social X, sans donner d'estimation du nombre de manifestants.
Selon des journalistes de l'AFP, un déluge de gaz tiré en cloche s'est abattu sur la zone mais il n'y a pas eu de heurts entre les gendarmes et les manifestants qui insistaient sur la dimension "pacifique" de leur action.
"L'ambiance est festive, mesurée, avec des gens qui ont vécu Sainte-Soline et qui n'ont absolument pas l'intention de revivre la même chose. La consigne, c'est qu'on ne va pas à l'affrontement", a déclaré Julien Le Guet, porte-parole de BNM.
"La journée va être longue mais on va essayer d'arriver au but", espérait Séverine, 55 ans, en coupant à travers champs. "Bravo, on y est arrivé", se félicitait un autre, parvenu jusqu'à un parking à plusieurs kilomètres du Village de l'eau.
Plus loin, Myriam, 30 ans, contrôlée dans sa voiture par les gendarmes, s'interrogeait "sur l'utilité de se faire confisquer des sardines de tente, des masques ffp2 pour le Covid", en dénonçant "l'absurdité de la situation".
- "Enjeu vital" -
Selon les autorités, 450 "black blocs", dont plus d'une centaine d'individus "fichés S" rattachés à l'ultragauche ou à l'écologie radicale, avaient rejoint le campement cette semaine et des centaines d'objets considérés comme "dangereux" ont été saisis lors de fouilles de véhicules.
Mais une centaine d'agriculteurs seulement se sont rassemblés à proximité de Melle, avant de s'y rendre pour une entrevue avec la municipalité qui accueille le Village de l'eau.
Les organisateurs du rassemblement assurent ne pas vouloir "prendre pour cible les agriculteurs et leurs fermes", accusant les autorités "d'attiser les peurs et les tensions" et qualifiant la Coordination rurale "d'apprentis miliciens".
"On est vraiment sur une logique d'intimidation, de répression, de criminalisation de notre mouvement, alors qu'on se bat pour un enjeu vital qui est celui de la défense et d'un juste partage de l'eau, et qu'on souhaite juste exercer notre liberté de manifestation qui est un droit fondamental", estime Johanne Rabier, membre du collectif BNM dans la Vienne.
Comme à Sainte-Soline, où elle avait mis en cause l'action des gendarmes, la Ligue des droits de l'homme a déployé des observateurs.
Le "cadre d'action" des manifestations annonce cependant des "formes de désobéissance de masse" destinées à "impacter concrètement leurs cibles": "bassines" vendredi, "complexe agro-industriel" samedi au port de La Rochelle où une autre manifestation est prévue.
- Deux camps irréconciliables -
Les "bassines" ou "réserves de substitution" visent à stocker des millions de mètres cubes d'eau, puisée dans les nappes phréatiques en hiver afin d'irriguer des cultures en été. Des dizaines sont en projet dans la région.
Leurs partisans en font une condition de survie des exploitations face aux sécheresses récurrentes, là où leurs détracteurs dénoncent un "accaparement" de l'eau par l'agro-industrie.
Deux camps irréconciliables entre lesquels la lutte s'est intensifiée depuis deux ans, sur le terrain et devant la justice administrative.
Le sujet divise aussi les syndicats agricoles. La Confédération paysanne, qui participe au Village de l'eau, dénonce les "méga-bassines" comme une source d'inégalités dans l'accès à l'eau, tout en appelant au dialogue pour "sortir de l'impasse et de la confrontation destructrice".
La Coordination rurale soutient au contraire "tous les projets de retenues d'eau agricole pour faire face au changement climatique".
La FNSEA/JA, premier syndicat, défend aussi l'outil mais a appelé "au calme et à la responsabilité" de chacun, refusant "d'aboyer" à quelques mois des élections professionnelles.
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N.Fischer--NZN