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Le Bangladesh a instauré vendredi un couvre-feu et déployé l'armée pour maintenir l'ordre, après plusieurs jours de manifestations étudiantes meurtrières, au 19e jour d'un mouvement de contestation qui a tourné à l'affrontement avec le pouvoir, avec un bilan d'au moins 105 morts selon un décompte de l'AFP.
"Le gouvernement a décidé d'imposer un couvre-feu et de déployer l'armée", a déclaré à l'AFP le bureau de la Première ministre bangladaise Sheikh Hasina.
Ce bilan, établi auprès de sources hospitalières, témoigne de la violence inédite des troubles qui secouent ce pays musulman de 170 millions d'habitants sur fond de chômage massif des diplômés.
"Les manifestations sont énormes et c'est peut-être le défi le plus sérieux" jamais affronté par la Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 2009, estime auprès de l'AFP Pierre Prakash, directeur de Crisis Group Asie basé à Bangkok.
Le Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme Volker Türk a condamné la répression parlant d'attaques "particulièrement choquantes et inacceptables".
Il s'est dit "très préoccupé" par des informations selon lesquelles les autorités déploient des unités paramilitaires telles que les gardes-frontières du Bangladesh et le bataillon d'action rapide, "qui ont un long historique de violations" des droits humains.
Au moins 52 personnes ont été tuées vendredi à Dacca où les manifestations ont continué, malgré une interdiction visant tout rassemblement ou réunion publique dans la capitale, selon une liste consultée par l'AFP à l'hôpital universitaire de Dacca.
Depuis le début de la semaine, les tirs de la police sont responsables de plus des deux-tiers des morts, selon les descriptions données par les hôpitaux.
Après avoir fait fermer les écoles et les universités en début de semaine, les autorités ont aussi coupé l'internet depuis jeudi et vendredi, l'un des principaux opposants, Ruhul Kabir Rizvi Ahmed du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), a été arrêté, selon la police.
Jeudi, des bâtiments officiels avaient été "incendiés et vandalisés", selon la police, dont le siège de la télévision publique Bangladesh Television (BTV) où plus de 700 personnes ont été blessées, dont 104 policiers et 30 journalistes, selon la chaîne privée Independent Television.
La police a confirmé une centaine de policiers blessés et une cinquantaine de postes de police incendiés, et vendredi, BTV n'avait pas repris ses émissions.
Vendredi, c'est une prison dans le district de Narsingdi (centre) qui a été assaillie par les manifestants. "Les détenus ont fui la prison et les manifestants ont mis le feu", a déclaré à l'AFP un officier de police s'exprimant sous couvert de l'anonymat et évaluant à "des centaines" le nombre de détenus libérés.
Les manifestations sont quasi quotidiennes depuis début juillet.
- Fin des quotas -
Elles visent à obtenir la fin des quotas d'embauche dans la fonction publique qui réservent plus de la moitié des postes à des groupes spécifiques, notamment aux enfants des vétérans de la guerre de libération du pays contre le Pakistan en 1971 et favorisent les proches du pouvoir.
La crise sociale s'est muée en crise politique pour la Première ministre, huée au fil des manifestations dans les rues de Dacca, une mégalopole de 20 millions d'habitants, aux cris de "A bas le dictateur!".
"Au lieu de répondre aux doléances des manifestants, le gouvernement a fait empirer la situation", estime M. Prakash pour qui "le pays semble en danger". Le Bangladesh abrite une industrie textile florissante fournissant les plus grandes marques mondiales de prêt-à-porter.
La situation aujourd'hui, "c'est l'éruption du mécontentement latent des jeunes accumulé au fil des ans, en raison de la privation de leurs droits économiques et politiques", a commenté Ali Riaz, professeur de politique à l'université de l'Illinois.
"Les quotas d'emploi sont devenus le symbole d'un système qui est truqué", ajoute-t-il.
Sheikh Hasina a jeté de l'huile sur le feu la semaine dernière en comparant les manifestants à des "collabos" du Pakistan, dans une référence insultante à la période de la guerre de libération en 1971, estime M. Riaz.
"Se moquer d'eux était une atteinte à leur dignité. C'était aussi un message disant combien les manifestants ne comptent pas pour ce régime qui s'estime au-dessus des lois", ajoute-t-il.
Sheikh Hasina est accusée avec son parti, la Ligue Awami, de vouloir museler toute opposition depuis qu'elle est revenue au pouvoir en 2009.
Il lui est reproché d'avoir injustement fait emprisonner son principal rival, limité la liberté de la presse et chercher à éradiquer toute dissidence notamment par l'assassinat extrajudiciaire de militants de l'opposition, selon ses détracteurs et des défenseurs des droits.
O.Krasniqi--NZN