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La police anti-émeute du Bangladesh a tiré samedi à balles réelles sur des manifestants à Dacca, a constaté un journaliste de l'AFP, et l'armée était largement déployée dans les villes du pays au lendemain d'une nouvelle journée d'affrontements meurtriers.
Le développement du mouvement, lancé par des manifestations étudiantes et qui a fait au moins 115 morts cette semaine selon un décompte de l'AFP de sources policières et hospitalières, a incité la Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 15 ans, à annuler ses déplacements à l'étranger.
Au moins une personne a été blessée parmi les milliers de manifestants rassemblés samedi dans le quartier de Rampura pour protester contre le couvre-feu imposé la veille, a constaté l'AFP.
Un couvre-feu gouvernemental est entré en vigueur à minuit dans la nuit de vendredi à samedi et le bureau de la Première ministre a demandé à l'armée de déployer des troupes, après que la police a de nouveau échoué à maîtriser les troubles.
"L'armée a été déployée dans tout le pays pour contrôler les troubles à l'ordre public", a déclaré à l'AFP le porte-parole des forces armées, Shahdat Hossain.
Le couvre-feu restera en vigueur au moins jusqu'à 10H00 (04H00 GMT) dimanche, a rapporté la chaîne privée Channel 24.
"Des centaines de milliers de personnes" ont affronté la police dans la capitale Dacca vendredi, a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police, Faruk Hossain.
"Au moins 150 policiers ont été admis à l'hôpital. Cent cinquante autres ont reçu les premiers soins", a-t-il indiqué, ajoutant que deux officiers avaient été battus à mort.
Selon la même source, "les manifestants ont incendié de nombreuses guérites de police" et "de nombreux bureaux gouvernementaux ont été incendiés et vandalisés".
Des centaines de manifestants ont bravé l'ordre de rester chez eux dans le quartier résidentiel de Rampur, mais ils ont été rapidement dispersés par la police qui a tiré des balles en caoutchouc, a rapporté un journaliste de l'AFP sur place.
Un porte-parole de Students Against Discrimination, le principal groupe organisateur des manifestations, a fait savoir à l'AFP que deux de ses dirigeants avaient été arrêtés depuis vendredi.
Un haut responsable du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principale formation d'opposition, a été arrêté aux premières heures de samedi, selon le porte-parole du parti, Sairul Islam Khan.
Des milliers de personnes ont assiégé une base de la police à Rangpur dans la nuit de vendredi à samedi, a fait état auprès de l'AFP un haut responsable de la police de cette ville du Nord du pays, et trois manifestants ont été tués.
Mme Hasina devait quitter le pays dimanche pour une tournée diplomatique, mais elle y a renoncé après une semaine d'escalade de la violence.
"Elle a annulé ses visites en Espagne et au Brésil en raison de la situation actuelle", a déclaré Nayeemul Islam Khan à l'AFP samedi.
- "La frustration monte" -
Les manifestations sont quasi quotidiennes depuis début juillet.
Elles visent à obtenir la fin des quotas d'embauche dans la fonction publique qui réservent plus de la moitié des postes à des groupes spécifiques, notamment aux enfants des vétérans de la guerre de libération du pays contre le Pakistan en 1971 et favorisent les proches du pouvoir.
De nombreuses voix affirment que le programme bénéficie aux enfants issus des groupes pro-gouvernementaux soutenant Mme Hasina, 76 ans, qui dirige le pays depuis 2009 et a remporté sa quatrième élection consécutive en janvier après un vote sans véritable opposition.
Le gouvernement de Mme Hasina est accusé par les groupes de défense des droits de l'homme d'utiliser abusivement les institutions de l'Etat pour asseoir son emprise sur le pouvoir et éradiquer la dissidence, notamment par l'assassinat extrajudiciaire de militants de l'opposition.
Depuis les premiers décès survenus mardi, les manifestants ont commencé à exiger que Mme Hasina quitte ses fonctions.
"La frustration monte au Bangladesh parce que le pays n'a pas connu d'élections nationales véritablement concurrentielles depuis plus de 15 ans", a observé auprès de l'AFP Pierre Prakash, de l'International Crisis Group.
"Sans véritable alternative dans les urnes, les Bangladais mécontents n'ont pas beaucoup d'autres options que les manifestations de rue pour faire entendre leur voix", a-t-il ajouté.
- "Intolérance absolue" -
Les hôpitaux et la police ont fait état samedi de 10 décès supplémentaires à la suite des affrontements de la veille, et 105 autres décès avaient été rapportés depuis mardi.
Les tirs de la police sont à l'origine de plus de la moitié des décès signalés depuis le début de la semaine, d'après les descriptions fournies à l'AFP par le personnel hospitalier.
"L'augmentation du nombre de morts est une preuve choquante de l'intolérance absolue dont font preuve les autorités bangladaises à l'égard des protestations et de la dissidence", a déclaré Babu Ram Pant d'Amnesty International, dans un communiqué.
Les autorités ont imposé jeudi une coupure nationale d'internet qui reste en vigueur, entravant fortement les communications à l'intérieur et à l'extérieur du Bangladesh.
Les sites web du gouvernement restent inaccessibles et les principaux journaux, dont le Dhaka Tribune et le Daily Star, n'ont pas pu mettre à jour leurs comptes sur les réseaux sociaux depuis jeudi.
Bangladesh Television, le radiodiffuseur d'Etat, reste également hors ligne après que son siège à Dacca a été incendié par des manifestants le même jour.
N.Zaugg--NZN