Zürcher Nachrichten - "A vendre": Maracaibo, capitale pétrolière symbole d'un Venezuela pollué et en crise

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"A vendre": Maracaibo, capitale pétrolière symbole d'un Venezuela pollué et en crise
"A vendre": Maracaibo, capitale pétrolière symbole d'un Venezuela pollué et en crise / Photo: Federico PARRA - AFP

"A vendre": Maracaibo, capitale pétrolière symbole d'un Venezuela pollué et en crise

Une nappe noire de pétrole sur des eaux couleur "thé vert": ce pourrait être de l'art abstrait mais c'est la triste réalité du lac de Maracaibo, le plus grand d'Amérique du Sud, symbole de l'effondrement de l'ancienne capitale pétrolière du Venezuela et de l'oubli de la question environnementale à la présidentielle du 28 juillet.

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Les berges du lac, où l'on venait se baigner ou manger du poisson, sont noires de brut.

Bottes en plastique maculées de pétrole, T-shirts trempés de sueur dans la moiteur étouffante de Maracaibo (nord), des pêcheurs, employés par les autorités, ramassent à la pelle cette boue gluante qui sera enterrée plus loin. Un travail de fourmi.

"On ne veut pas que le lac meure. On souffre. La pêche sur les berges a disparu en raison du pétrole", explique Yordi Vicuna, 34 ans, soulignant que les prises ont été divisées par dix et qu'il faut constamment laver et remplacer les filets abîmés par le pétrole.

Il attribue le délabrement des installations et la pollution aux sanctions économiques américaines et internationales contre le secteur pétrolier: "La tuyauterie est endommagée en raison du blocus" et "chaque Vénézuélien souffre avec ce pétrole qui s'échappe".

La plupart des experts et observateurs estiment toutefois que l'industrie pétrolière s'est effondrée en raison de la mauvaise gestion et de la corruption au sein du géant pétrolier public Petroleos de Venezuela (PDVSA).

La production nationale, dans un pays disposant des plus grandes réserves mondiales, est passée de 3,5 millions de barils par jour en 2008 à moins de 400.000 en 2020, pour avoisiner aujourd'hui un million b/j.

- "Le lac est perdu" -

Sur la côte est du lac, à Cabimas, quelques rares chevalets de pompage avec des torchères à gaz sont en activité, mais des dizaines de derricks sont à l'arrêt. Des dizaines de petits hôtels ou bars sont abandonnés, donnant à l'endroit une apparence fantôme.

Sur la rive ouest, non loin de la raffinerie de Bajo Grande, la plage de Puyuyo est elle aussi noire de pétrole.

"Des gens, des familles venaient de partout pour se baigner et manger du poisson. Mais aujourd'hui il y a 30 centimètres d'épaisseur de pétrole au fond de l'eau, plus personne ne se baigne", explique Guillermo Albeniz Cano, 64 ans dont 38 à travailler sur cette plage, qui assure survivre désormais grâce au troc.

Ce jour-là, une seule table est occupée: des pêcheurs de crabes jouent aux dominos. Ils préféreraient travailler: "Comme il y a beaucoup de pétrole dans le lac, on n'a pas pu sortir", dit Luis Angel Vega, 26 ans, quatre enfants. "Parfois, on passe une journée sans manger."

Alvaro Villasmil, 61 ans, a lui vainement tenté sa chance et il exhibe quelques crabes bleus en provenance du centre du lac, moins pollué. Pas assez pour vivre.

"C'est dur. La pêche va cesser. Le lac est perdu. Il y a beaucoup de pétrole et personne pour le ramasser. En une semaine ce que tu gagnes c'est 20 dollars et beaucoup de souffrance", affirme-t-il, dépité.

A terre, c'est aussi la désolation dans Maracaibo, florissante au XXe siècle avec un théâtre Art Déco (1928) qui a accueilli la dernière tournée de l'accordéoniste Carlos Gardel (1935), un tramway ou un pont de 8.000 mètres (1962).

Les panneaux "à vendre" accrochés aux façades des maisons ou immeubles sont bien plus présents que les affiches de campagne.

- L'environnement pas à l'agenda -

Dans la zone industrielle désolée, les herbes hautes ont envahi de nombreux sites où il ne reste plus que des murs en béton. Tout le reste - câbles, robinets, fenêtres - a été volé. Quelque 200 entreprises dont des sous-traitants des compagnies pétrolières travaillaient là. Il n'en reste qu'une trentaine.

On est passé de 30.000 à 5.000 ou 6.000 employés. Les coupures d'électricité fréquentes rendent le travail compliqué, souligne le président des entrepreneurs, Hector Siu, qui espère un retour à la prospérité.

Pour Yohan Flores, de l'ONG Azul Ambientalista, "le pétrole a cessé d'être cet +or noir+ qui fait vivre le pays pour devenir un grave problème. Les fuites perdurent. Le plus grand lac d'Amérique du Sud est en train de mourir. Les communautés qui en vivent sont touchées. Sans que les promesses du gouvernement de régler le problème (des fuites) ne soient accompagnées d'effet".

De nombreux défenseurs de l'environnement rappellent que partout ailleurs au Venezuela la protection de l'environnement n'est pas dans le programme électoral, avec notamment une forêt amazonienne ravagée par la déforestation et l'activité minière illégale.

"Avec la chute progressive de la production de pétrole, la ville de Maracaibo mais aussi le pays s'effondrent. C'est comme un immeuble dont tu retires les fondations", se désole l'ancien recteur de l'université de Zulia, Angel Lombardi.

T.Gerber--NZN