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Critiques internationales, protestations de l'opposition qui revendique la victoire : la réélection du président Nicolas Maduro au Venezuela génère beaucoup d'inquiétude et de déception.
Comme un symbole de l'incertitude qui règne, Caracas avait des airs de ville morte lundi matin avec des rues désertes et des commerces fermés. Dans certains quartiers, on pouvait entendre un concert de casseroles en signe de contestation tandis que l'opposition doit décider de sa stratégie.
"Déprimé, déçu, humilié. Humilié parce que le brigand est celui qui gagne dans ce pays", affirme Giovanni Inglese, 65 ans, qui aide à garer des voitures dans la rue. A lui seul, il résume l'état d'esprit ambiant lundi matin.
Selon des résultats officiels proclamés dimanche soir par le Conseil national électoral (CNE), M. Maduro, 61 ans, l'héritier de l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013), a été réélu pour un troisième mandat consécutif de six ans avec 5,15 millions de voix (51,2%). Le candidat de l'opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, qui avait remplacé au pied levé la dirigeante de l'opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible, en a recueilli un peu moins de 4,5 millions (44,2%).
L'opposition, qui espérait mettre fin à 25 années de pouvoir chaviste, a aussitôt rejeté ce résultat. "Il ne s'agit pas d'une fraude de plus mais d'une méconnaissance et de la violation grossière de la volonté populaire", a estimé Mme Machado, pour qui M. Gonzalez Urrutia a obtenu 70% des suffrages
"Notre combat continue, nous ne nous reposerons pas tant que la volonté du peuple vénézuélien ne sera pas reflétée", a lancé M. Gonzalez Urrutia, précisant qu'il n'y avait pas d'appel à manifester.
- "Réexamen complet" -
Si M. Maduro a reçu le soutien de la Russie et de la Chine ainsi que de ses autres alliés habituels -Cuba, Nicaragua, Honduras et Bolivie-, les réactions négatives ou sceptiques ont afflué de la communauté internationale et en particulier des Etats proches géographiquement et politiquement.
Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Équateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont ainsi appelé lundi dans une déclaration commune à un "réexamen complet avec la présence d'observateurs électoraux indépendants" et à une réunion des membres de l'Organisation des États américains (OEA).
Et le gouvernement brésilien du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva "réaffirme encore le principe fondamental de la souveraineté populaire, qui doit être respecté au moyen de la vérification impartiale des résultats".
Par le passé, Lula a longtemps défendu son homologue vénézuélien face aux critiques internationales. Mais Brasilia avait durci le ton à l'approche de la présidentielle.
Luis Gilberto Murillo, le ministre des Affaires étrangères de Colombie, dirigée par le président de gauche Gustavo Petro, a demandé "un décompte total des voix, sa vérification et un audit indépendant" car il est "important de dissiper les doutes sur les résultats”.
Les États-Unis ont affirmé "sérieusement craindre que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien".
La France a quant à elle appelé les autorités vénézuéliennes à faire preuve de "transparence totale" en publiant l'intégralité des procès-verbaux et des résultats, ce que réclame aussi l'opposition.
Tout comme le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, qui a prôné sur X une "transparence totale (...) y compris le décompte détaillé des voix".
"Ce n'est pas le résultat idéal pour Maduro", a estimé Rebecca Hanson, de l'Université de Floride. "En termes d'acquisition d'une certaine légitimité internationale -ce qui était un objectif de M. Maduro-, cette élection a été un désastre".
- Le "blocus criminel" -
Dimanche soir, Nicolas Maduro a, pour sa part, fêté sa victoire sur une scène musicale montée près du Palais présidentiel.
"Il y aura la paix, la stabilité et la justice. La paix et le respect de la loi. Je suis un homme de paix et de dialogue", a-t-il dit, alors que la campagne et le scrutin se sont déroulés dans une ambiance tendue, l'opposition dénonçant de nombreuses intimidations et arrestations. Caracas avait limité la possibilité d'observer le déroulement du scrutin.
Le Venezuela, longtemps un des plus riches pays d'Amérique latine, est exsangue : effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté, systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Sept millions de Vénézuéliens ont fui leur pays.
Le pouvoir accuse le "blocus criminel" d'être à l'origine de tous les maux.
Les États-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d'évincer M. Maduro après sa réélection déjà contestée de 2018, un scrutin entaché de fraudes selon l'opposition, qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.
"Ils n'ont pas pu nous battre avec les sanctions, les agressions, les menaces !" s'est-il enflammé dimanche, balayant les réactions en provenance d'Amérique latine.
L'attitude de l'appareil sécuritaire, considéré comme un des piliers du pouvoir depuis la présidence d'Hugo Chavez, un ancien militaire, sera déterminante.
A.Weber--NZN