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Manifestations spontanées dans les rues, bruits de casseroles depuis les immeubles... Des Vénézuéliens protestent contre la réélection du président Nicolas Maduro proclamée par le Conseil national électoral (CNE) alors que l'opposition crie à la fraude.
"Qu'il rende le pouvoir maintenant!" ou "Liberté! Liberté !", crient des manifestants à Petaré, quartier populaire de l'est de Caracas, jadis considéré comme le plus grand bidonville d'Amérique latine.
Plusieurs milliers de personnes marchent sous la pluie hurlant leur mécontentement et brulant des effigies de Nicolas Maduro.
Selon le CNE, M. Maduro, l'héritier de l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013), a été réélu pour un troisième mandat consécutif avec 51,2% des voix, contre 44,2% pour le candidat de l'opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia. Mais l'opposition rejette ces résultats, assurant avoir obtenu 70% des voix.
"On est déçus, cela ne reflète pas la réalité, on a voté contre Nicolas", dit Carolina Rojas, 21 ans, dans le cortège à Petaré.
"On est dehors parce qu'il y a eu des fraudes", ajoute David, 40 ans, qui n'a pas voulu donner son nom de famille. "Ils appellent l'armée (pour réprimer) mais on doit protester".
"Je ne veux pas de primes, je ne veux pas de Claps, je veux que Maduro s'en aille", chantent les manifestants, faisant allusion aux bas salaires et aux aides alimentaires (Clap) distribués par le gouvernement.
Le salaire minimum est de 4 dollars mensuels mais le gouvernement a instauré des primes obligatoires d'environ 130 dollars.
En centre-ville, dans la matinée, les gens hésitaient à sortir mais manifestaient leur colère depuis les fenêtres en tapant sur des casseroles.
Quelques-uns sont néanmoins descendus dans la rue comme cette femme qui raconte, les yeux pleins de larmes et sous couvert de l'anonymat, sa réaction à l'annonce du CNE. "J'ai ressenti beaucoup d'impuissance, je suis sortie pour crier. Ils ont attendu jusqu'à une heure du matin pour donner de faux résultats", peste-t-elle.
"Maintenant, nous sommes en train de réfléchir: +Vais-je partir (émigrer), vais-je rester, le dernier qui reste éteint la lumière?+", ironise-t-elle.
"Ma famille est restée pour pleurer à la maison", confie le propriétaire d'un fast-food dont le portail de sécurité est entrouvert.
Depuis son appartement, un jeune homme interroge: "Où sont les 5 millions (nombre de votes en faveur de Maduro donné par le CNE) de personnes qui fêtent Maduro?".
- Peur des "colectivos" -
Beaucoup préfèrent protester depuis leur fenêtres ou balcons par peur des +colectivos+, surnom donné aux groupes de militants pro-pouvoir. Organisés en bandes et craints pour leur violence, ils sont accusés de réprimer les manifestations antigouvernementales.
Jenny Gil, 56 ans, a osé descendre et tape sur une casserole sur une avenue de La Candelaria, au cœur de Caracas.
"Nous sommes déçus par Maduro, Edmundo a gagné. J'étais présente lors du vote à l'école Andrés Eloy et nous avons compté vote par vote, et il a gagné, j'ai les preuves qu'il a gagné", assure-t-elle.
Janeth Carabaño, 49 ans, est revenue d'Équateur il y a deux mois dans l'espoir d'un changement de gouvernement. "J'ai quitté le pays pendant cinq ans et je suis venue voter. Il est inadmissible qu'ils me volent mon vote de manière aussi flagrante, c'est une injustice !", s'insurge-t-elle.
Un groupe de jeunes gens escalade un poteau d'éclairage public pour retirer l'une des centaines d'affiches à l'effigie de Maduro qui jalonnent les rues de Caracas.
"Quand j'ai entendu les résultats, j'ai commencé à pleurer, j'étais indignée, et j'ai dit que je sortirai demain (aujourd'hui), parce que ça ne peut pas continuer comme ça, ça suffit", ajoute Mme Carabaño, qui dit vouloir un avenir meilleur pour ses deux enfants et son petit-enfant.
"Ils nous ont volés", crie un automobiliste en passant, tandis que d'autres klaxonnent pour soutenir le petit groupe réuni sur le trottoir.
Maria, une retraitée de 78 ans, dit se sentir "abandonnée": "Ils nous ont fait souffrir de la faim".
Mais la manifestation tourne court. "Un homme est passé et a fait un signe (passant son doigt) sur son cou pour nous dire que nous allions mourir", assure Jenny Gil.
R.Bernasconi--NZN