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Ferdinand Marcos Junior, fils du défunt dictateur du même nom, se dirigeait vers une victoire écrasante à la présidentielle aux Philippines, selon de premiers résultats officieux publiés lundi soir, et paraissait sur le point de réinstaller son clan familial au sommet du pouvoir 36 ans après la chute de son père, renversé par une révolte populaire.
Selon des résultats portant sur près de la moitié des quelque 70.000 bureaux de vote, compilés par les médias locaux à partir de chiffres fournis par la Commission électorale, Marcos Junior, surnommé "Bongbong", obtenait 15,3 millions de voix contre seulement 7,2 millions pour sa principale rivale, la vice-présidente sortante Leni Robredo.
Si ces résultats se confirment, Marcos Junior deviendra le premier président de l'histoire de la démocratie philippine à être élu avec une majorité absolue. Il lui suffit, lors de ce scrutin à un seul tour, d'être celui des dix candidats qui obtient le plus de voix pour l'emporter.
Environ 67 millions de Philippins étaient appelés aux urnes pour ces élections générales, lors desquelles devaient également être désignés le vice-président ainsi que les députés, la moitié des sénateurs, les gouverneurs de province et des milliers d'autres élus locaux.
Les sondages avaient prédit une large victoire pour Marcos Jr, après une campagne électorale marquée par des torrents de désinformation.
Depuis des années, des comptes pro-Marcos Junior ont envahi les réseaux sociaux, faisant passer auprès des jeunes Philippins les vingt ans de régime de son père comme une ère dorée de paix et de prospérité pour les Philippines. Et en passant sous silence les dizaines de milliers d'opposants arrêtés, torturés ou tués, ou encore les milliards de dollars puisés par le clan Marcos dans les caisses du pays pour son enrichissement personnel.
Le régime avait été renversé en 1986 par une immense révolte populaire, et la famille Marcos était partie en exil aux Etats-Unis, avant de revenir dans le pays pour y retisser un puissant réseau de soutien politique.
- "Election historique" -
Les Marcos devraient maintenant faire leur retour au palais présidentiel de Malacanang à Manille, d'où "Bongbong", 64 ans, a promis de rétablir "l'unité" du pays pendant son mandat de six ans.
"C'est une élection historique", a commenté Cleve Arguelles, professeur de sciences politiques à l'Université De La Salle de Manille.
Marcos Jr a mené une campagne électorale plutôt terne, peinant à galvaniser ses partisans et attirant des foules moins nombreuses que celles de sa rivale Leni Robredo.
Mais une série de tractations en coulisses avec d'autres clans politiques semble avoir suffi à lui procurer la victoire. Et notamment son alliance avec Sarah Duterte, fille du président sortant Rodrigo Duterte, bien partie pour remporter l'élection à la vice-présidence, qui se déroulait séparément lundi.
Leni Robredo, avocate et économiste de 57 ans, avait battu de justesse Marcos Jr dans la course à la vice-présidence en 2016. Pendant sa campagne présidentielle, elle avait promis de débarrasser la démocratie philippine de la corruption, dans un archipel où une poignée de familles ont la mainmise sur le pays.
Parmi les autres candidats à la présidence figuraient le boxeur légendaire Manny Pacquiao et l'ancien éboueur devenu acteur Francisco Domagoso.
La personnalité, plutôt que le programme politique, influence généralement le choix du candidat, et l'achat de voix et l'intimidation sont également des problèmes récurrents dans le pays.
La journée de lundi a été marquée par des violences, comme c'est souvent le cas lors d'élections aux Philippines. Au moins quatre personnes ont été tuées à travers le pays dans des attaques de bureaux de vote. Dimanche soir, l'explosion d'une grenade devant un autre avait fait neuf blessés.
Marcos Jr a commencé sa journée en votant dans une école portant le nom de son grand-père à Batac, fief de la famille dans le nord du pays. Sa mère Imelda Marcos, la matriarche du clan âgée de 92 ans, est venue glisser son bulletin dans l'urne un peu plus tard, aidée par sa fille Irene et son petit-fils Sandro, le fils cadet de Marcos Jr.
"Mon avis a toujours été que les dynasties ne sont pas mauvaises en soi, même si certaines peuvent l'être", a déclaré Sandro, 28 ans, qui briguait un siège au Congrès. "Mais en même temps, je pense qu'il y a beaucoup de dynasties qui ont aussi très bien servi leurs électeurs".
Après six ans de gouvernement autoritaire de Rodrigo Duterte, les militants des droits de l'homme, les dirigeants de l'Eglise catholique et les analystes politiques craignent de voir Marcos Jr auréolé d'une large victoire et diriger le pays de façon encore plus autocratique.
"Nous pensons que cela va aggraver la crise des droits de l'homme dans le pays", a déclaré Cristina Palabay, secrétaire générale de l'alliance pour les droits humains Karapatan.
A.P.Huber--NZN