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L'économie du Sri Lanka "s'effondrera complètement" si un nouveau gouvernement n'est pas nommé d'urgence, a prévenu mercredi le gouverneur de la Banque centrale, alors que des milliers de soldats patrouillaient les rues désertes de la capitale Colombo pour maintenir l'ordre, après deux jours d'affrontements meurtriers.
Depuis lundi, les violences accompagnant les manifestations antigouvernementales ont fait neuf morts et plus de 225 blessés, selon la police, dans cette île de 22 millions d'habitants engluée dans la pire crise économique de son histoire.
"Il ne s'agit plus de colère spontanée, mais de violence organisée", a affirmé mercredi à l'AFP un haut responsable de la police.
Mercredi on ne voyait que des patrouilles de soldats dans les rues désertes de Colombo. Seuls quelques manifestants bravaient le couvre-feu en maintenant leur campement devant les bureaux de la présidence.
Le président Gotabaya Rajapaksa a appelé mercredi sur Twitter "tous les Sri-Lankais à se donner la main comme un seul homme, pour surmonter les défis économiques, sociaux et politiques".
Le principal parti d'opposition, le SJB, a toutefois réaffirmé qu'il ne participerait pas à un gouvernement sous son autorité.
"La violence est provoquée (par les autorités) afin d'établir un régime militaire", a écrit sur Twitter le chef de l'opposition, Sajith Premadasa, réclamant que "l'Etat de droit" soit "maintenu par la constitution et non par les ARMES".
Le plus haut responsable de la Défense du Sri Lanka, Kamal Gunaratne, a exclu un coup d'Etat militaire, malgré l'impasse politique dans laquelle se trouve le pays.
M. Gunaratne, secrétaire du ministère de la Défense et l'un des principaux chefs militaires vainqueurs en 2009 contre le mouvement rebelle séparatiste des Tigres tamouls, a expliqué avoir demandé aux militaires de venir en renfort de la police en raison de la "dangerosité de la situation".
"Lorsqu'il y a une situation dangereuse dans le pays, les pouvoirs sont donnés aux militaires pour la régler", a-t-il assuré. "Ne pensez jamais que nous essayons de prendre le pouvoir".
Pour le gouverneur de la Banque centrale, Nandalal Weerasinghe, cette situation est intenable.
"S'il n'y a pas de gouvernement dans les deux prochains jours, l'économie s'effondrera et personne ne pourra la sauver", a-t-il prévenu. "Je démissionnerai s'il n'y a pas d'action immédiate pour former un gouvernement".
La démission de Mahinda Rajapaksa - frère du président - lundi de ses fonctions de Premier ministre sans avoir été remplacé a créé un vide de pouvoir, a fait valoir le gouverneur, ajoutant que les violences qui ont suivi ont fait dérailler ses plans de redressement.
Après l'incendie tard mardi soir d'un hôtel de luxe appartenant à un membre du clan Rajapaksa dans le sud du pays, la police a dans plusieurs endroits tiré en l'air pour disperser la foule qui brûlait des véhicules.
- "Tellement corrompus" -
La population de l'île est excédée par des mois de coupures d'électricité et de graves pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments. Des manifestations pacifiques réclament depuis des semaines la démission du président Rajapaksa.
Mais ce dernier, qui jouit de pouvoirs étendus et du commandement des forces de sécurité, est resté en fonction.
Des partisans du gouvernement, acheminés de province lundi à Colombo et galvanisés par le Premier ministre, ont mis le feu aux poudres en attaquant les manifestants anti-Rajapaksa. L'attaque a entrainé la démission du chef du gouvernement, également dirigeant du clan Rajapaksa, quelques heures plus tard.
Peu avant l'aube mardi, il avait dû être exfiltré par l'armée de sa résidence officielle, assiégée à Colombo par une foule en colère.
Cette démission est "un événement important", a estimé Kaushalya Fernando, actrice et militante pour les droits humains. Mais "cela ne suffit pas", a-t-elle insisté, ajoutant: "Nous voulons le départ de tout le clan des Rajapaksa, ils sont tellement corrompus".
- "Ras-le-bol" -
Selon Chandana Aluthge, professeur d'économie à l'université de Colombo, la population "en a ras-le-bol" et n'a plus le luxe de compter sur le processus démocratique.
En écho aux appels des Nations unies et de l'Union européenne, les États-Unis se sont dits préoccupés par l'escalade de la violence et par le déploiement de l'armée.
"Les manifestants pacifiques ne doivent jamais être soumis à la violence ou à l'intimidation", a souligné mardi Ned Price, porte-parole du département d'État américain.
Le Sri Lanka, en défaut depuis le 12 avril sur sa dette extérieure, évaluée à 51 milliards de dollars, est en pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) sur un éventuel renflouement.
"Nous suivons de près l'évolution de la situation au Sri Lanka et sommes préoccupés par la montée des tensions sociales et de la violence", a déclaré Masahiro Nozaki, chef de la mission du FMI au Sri Lanka.
R.Schmid--NZN