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Après deux jours d'affrontements meurtriers, le contesté président du Sri Lanka, Gotabaya Rajapaksa, a annoncé mercredi renoncer à la plupart de ses pouvoirs exécutifs et nommer rapidement un nouveau gouvernement, après un avertissement de la Banque centrale que l'économie était au bord de l'effondrement.
Depuis lundi, les violences accompagnant les manifestations antigouvernementales ont fait neuf morts et plus de 225 blessés, selon la police, dans cette île de 22 millions d'habitants engluée dans la pire crise économique de son histoire.
La population est excédée par des mois de coupures d'électricité et de graves pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments. Des manifestations pacifiques réclament depuis des semaines la démission du président.
Durant sa première déclaration au pays depuis le début des manifestations, M. Rajapaksa, 72 ans, qui jouit de pouvoirs étendus et du commandement des forces armées, a promis la constitution d'un gouvernement d'unité dans les prochains jours.
"Je vais nommer un Premier ministre qui dirigera une majorité au parlement et inspirera la confiance au peuple", a-t-il dit. Il n'a pas donné le nom du successeur de l'ex-Premier ministre, son frère Mahinda Rajapaksa, qui a démissionné lundi.
Cette promesse de rétablir le 19e amendement priverait M. Rajapaksa du pouvoir de contrôler les nominations au plus haut niveau de la fonction publique, de la police, des services électoraux et de la justice.
Plus tôt dans la journée, le principal parti d'opposition, le SJB, avait déjà réaffirmé qu'il ne participerait pas à un gouvernement sous l'autorité de l'actuel président.
"La violence est provoquée (par les autorités) afin d'établir un régime militaire", a écrit sur Twitter le chef de l'opposition, Sajith Premadasa, réclamant que "l'Etat de droit" soit "maintenu par la constitution et non par les ARMES".
- Situation intenable -
Un couvre-feu est en vigueur dans tout le pays. A Colombo, des milliers de soldats acheminés en transports blindés patrouillaient les rues désertes, avec instruction de tirer à vue sur toute personne attaquant des biens ou commettant des actes de violence. Seuls quelques manifestants bravaient le couvre-feu en maintenant leur campement devant les bureaux de la présidence.
"Il ne s'agit plus de colère spontanée, mais de violence organisée", a affirmé à l'AFP un haut responsable de la police.
Le plus haut responsable de la Défense du Sri Lanka, Kamal Gunaratne, a exclu un coup d'Etat militaire, expliquant avoir demandé aux militaires d'aider la police en raison de la "dangerosité de la situation".
"Lorsqu'il y a une situation dangereuse dans le pays, les pouvoirs sont donnés aux militaires pour la régler", a-t-il assuré. "Ne pensez jamais que nous essayons de prendre le pouvoir".
Quelques heures avant le discours présidentiel, le gouverneur de la Banque centrale, Nandalal Weerasinghe, avait jugé la situation intenable.
"S'il n'y a pas de gouvernement dans les deux prochains jours, l'économie s'effondrera et personne ne pourra la sauver", avait-il prévenu. "Je démissionnerai s'il n'y a pas d'action immédiate pour former un gouvernement".
La démission lundi du Premier ministre et frère du président a créé un vide de pouvoir, a fait valoir le gouverneur, ajoutant que les violences qui ont suivi ont fait dérailler ses plans de redressement économique.
Après l'incendie tard mardi soir d'un hôtel de luxe appartenant à un membre du clan Rajapaksa dans le sud du pays, la police a dans plusieurs endroits tiré en l'air pour disperser la foule qui brûlait des véhicules.
- "Tellement corrompus" -
Des partisans du gouvernement, acheminés de province à Colombo en bus et galvanisés par le Premier ministre, avaient mis le feu aux poudres lundi en attaquant les manifestants anti-Rajapaksa. L'attaque a entraîné la démission du chef du gouvernement, également dirigeant du clan Rajapaksa, quelques heures plus tard.
Peu avant l'aube mardi, il avait dû être exfiltré par l'armée de sa résidence officielle, assiégée à Colombo par une foule furieuse.
Cette démission est "un événement important", a estimé Kaushalya Fernando, actrice et militante pour les droits humains. Mais "cela ne suffit pas", a-t-elle insisté: "nous voulons le départ de tout le clan des Rajapaksa, ils sont tellement corrompus".
En écho aux appels des Nations unies et de l'Union européenne, les États-Unis se sont dits préoccupés par l'escalade de la violence et le déploiement de l'armée.
"Les manifestants pacifiques ne doivent jamais être soumis à la violence ou à l'intimidation", a souligné mardi Ned Price, porte-parole du département d'Etat américain.
Le Sri Lanka, en défaut depuis le 12 avril sur sa dette extérieure, évaluée à 51 milliards de dollars, est en pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) sur un éventuel renflouement.
"Nous suivons de près l'évolution de la situation (...) et sommes préoccupés par la montée des tensions sociales et de la violence", a déclaré Masahiro Nozaki, chef de la mission du FMI au Sri Lanka.
F.E.Ackermann--NZN