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Des craintes en forme de critique: Gabriel Attal a redouté mercredi "trop d'impôts" et "pas assez de réformes" à la veille de la présentation du projet de budget du gouvernement Barnier, une anicroche de plus dans la coalition gouvernementale alors que les macronistes et la droite se sont encore fracturés à l'Assemblée.
Si le président du groupe Ensemble pour la République (EPR) a évoqué "un accord plein et entier sur la direction" tracée par Michel Barnier, l'ancien Premier ministre a aussi exprimé sa "crainte" que "le budget qui semble se dessiner n'intègre pas assez de réformes et trop d'impôts", lors d'une conférence de presse.
M. Attal s'est défendu de toute volonté de "polémiquer" avec un gouvernement qui compte de nombreux ministres issus des rangs macronistes. Mais les relations sont fraîches entre son groupe et Michel Barnier, comme en a une nouvelle fois témoigné la réunion de groupe agitée mardi en présence du nouveau Premier ministre.
La mésentente entre Renaissance et le parti Les Républicains (LR) s'est en outre une nouvelle fois manifestée de manière spectaculaire, jeudi, lors d'une l'élection à la présidence de la commission des Affaires économiques à l'Assemblée nationale, finalement ravie par la députée LFI Aurélie Trouvé, l'accord entre Gabriel Attal et Laurent Wauquiez pour la répartition des postes-clés au Parlement ayant été rompu.
La passe d'arme fratricide entre les deux leaders, associés au sein de la coalition gouvernementale, a échaudé Michel Barnier, qui a fait connaître "sa préoccupation" face à une "solidarité" de ses alliés "qui n'avait pas été au rendez-vous".
Gabriel Attal a pour sa part dénoncé en privé un projet "funeste" de la droite, une séquence qui vient selon lui "fragiliser la confiance", tout en appelant à ne pas tomber "dans un piège" et à se concentrer sur "l'intérêt du pays".
A propos du budget, l'ancien locataire de Matignon a considéré que "la hausse prévue des charges pour les entreprises, la hausse plus forte que prévu sur l'électricité, le gel des retraites pour six mois et d'autres mesures fiscales [lui] semblaient charger trop la barque pour les Français", suggérant plutôt la reprise de sa réforme de l'assurance-chômage, sur laquelle M. Barnier a préféré redonner la main aux partenaires sociaux.
Le projet de loi de finances (PLF) 2025, qui doit être présenté jeudi en Conseil des ministres, prévoit 40 milliards d'euros d'économies sur les dépenses et 20 milliards de recettes supplémentaires via des hausses d'impôts et des augmentations de cotisations sociales, essentiellement pour les entreprises.
-"Spirale infernale"-
"Chacun a tendance à avoir des idées d'économies chez les autres et à les refuser chez lui: il faut que chacun arrête de jouer au chamboule-tout avec toutes les pistes d'économies qui sont sur la table", sinon, "à la fin, nous continuerons cette spirale infernale de la dette", a mis en garde le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Dans le viseur du gouvernement, les collectivités locales, remontées contre un effort éventuel de 5 milliards d'euros. "L’État demande aux autres d'assumer ses propres turpitudes et ce n'est pas acceptable", a critiqué le président de l'Association des maires de France, David Lisnard (LR).
"Nous protègerons les collectivités les plus fragiles", mais "l'effort doit être partagé", a tenté de rassurer Michel Barnier devant le Sénat.
L'ancien ministre de l'Environnement Christophe Béchu, proche d’Édouard Philippe, a de son côté regretté la baisse envisagée de 1,5 milliard d'euros du Fonds vert, "la subvention qui sert à accélérer en matière de transition écologique" pour les collectivités.
Les PME protestent pour leur part contre toute remise en cause partielle des allégements de cotisations patronales ou des aides à l'embauche d'apprentis, "une augmentation du coût du travail", a estimé le secrétaire général de la CPME, Jean-Eudes du Mesnil du Buisson.
Le Premier ministre doit également faire face à des mouvements d'humeur au sein de sa propre équipe.
La ministre de l'Éducation Anne Genetet a réclamé dimanche que le budget de l'école soit "sanctuarisé", quand le garde des Sceaux Didier Migaud a prévenu mardi que les crédits accordés à la Justice "ne seraient pas satisfaisants", tout en affirmant être "mobilisé" pour que les engagements quant aux effectifs "soient tenus" — ce qu'a confirmé la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, de même que ceux de l'Intérieur et de la Défense.
Face aux protestations, le gouvernement répète que ses propositions "ne sont pas figées", à condition que la réduction du déficit soit au rendez-vous.
H.Roth--NZN