AEX
-11.9800
Mohammed ben Zayed, devenu officiellement président des Emirats arabes unis samedi, hérite d'un riche pays pétrolier dont il était déjà le dirigeant de facto durant une décennie d'ascension diplomatique et militaire ayant placé cet Etat au coeur de la géopolitique du Moyen-Orient.
Soldat de formation et fan de football, cheikh Mohammed, souvent appelé "MBZ", est le troisième fils de cheikh Zayed ben Sultan Al-Nahyane, premier président et père-fondateur de la fédération des Emirats.
Il est aux commandes depuis qu'un AVC en janvier 2014 a écarté du pouvoir son demi-frère, le président Khalifa ben Zayed Al-Nahyane décédé vendredi.
Son élection samedi "à l'unanimité" par les membres du Conseil suprême de la fédération des Emirats -qui regroupe sept émirats dont ceux d'Abou Dhabi et de Dubaï- n'est pas une surprise. Dans une note de 2009 de l'ancien ambassadeur américain Richard Olson, révélée par Wikileaks, il était déjà décrit comme "l'homme qui dirige les Emirats".
"MBZ" a aussi été nommé à la tête de l'émirat d'Abou Dhabi, dont il avait été nommé prince héritier à la mort de son père, en novembre 2004.
Passionné de chasse et de poésie, le dirigeant de 61 ans, né à Abou Dhabi le 11 mars 1961, est marié à la cheikha Salama bint Hamdan Al-Nahyane, avec qui il a quatre fils et cinq filles.
- Un homme ambitieux -
Malgré sa réticence apparente à s'exprimer en public, son ambition s'est manifestée ces dernières années, à mesure que les Emirats se sont forgés un profil d'acteur régional.
En 2020, les Emirats de "MBZ" sont les premiers à franchir le pas d'une normalisation avec Israël, dans le cadre d'un accord négocié par Washington.
Formé dans la célèbre académie militaire britannique de Sandhurst dont il est sorti diplômé en 1979, il a rapidement gravi les échelons des forces armées pour devenir commandant des forces aériennes, chef d'état-major adjoint et enfin chef d'état-major en 1993. Il a le grade de général et assume de fait le commandement des forces armées.
Il a également été le président du Conseil exécutif d'Abou Dhabi, qui contrôle les importantes finances de l'émirat.
Le prince a su tisser des liens dans presque toutes les capitales, en particulier auprès des partenaires occidentaux mais aussi Israël.
Il "a pu tirer parti de la puissance de sa famille des Al-Nahyane qui détient de nombreux portefeuilles clés liés à la sécurité et aux relations extérieures" des Emirats, note Neil Partrick, analyste au Royal United Services Institute for Defence and Security Studies.
Considéré comme particulièrement hostile aux soulèvements populaires du Printemps arabe de 2011, "MBZ" peut compter sur la richesse d'Abou Dhabi, qui détient 90% des réserves pétrolières des Emirats, pour affirmer sa puissance dans la région et afficher son soutien à certains régimes, comme celui de l'Egyptien Abdel Fattah al-Sissi.
Il est largement considéré comme celui qui a envoyé en 2015 des troupes émiraties au Yémen, dans le cadre d'une coalition menée par l'Arabie saoudite contre les rebelles Houthis.
- "MBZ" et "MBS" -
Au-delà de certaines divergences, "MBZ" peut compter sur sa proximité avec le jeune et ambitieux prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, "MBS", qui a 25 ans de moins que lui.
Certains analystes estiment que "MBZ" est le mentor de "MBS", avec lequel il partage une profonde hostilité envers l'Iran et les Frères musulmans. Ils ont été les architectes de la mise au ban diplomatique pendant plusieurs années du Qatar, jugé trop proche de ces derniers.
Cheikh Mohammed aurait encouragé la politique de libéralisation de la société saoudienne menée par "MBS", dont l'image a été dans le même temps écornée par une répression féroce des dissidents.
MBZ tente de forger une réputation de tolérance et ouverture aux Emirats. En 2017, il a annoncé que la grande mosquée d'Abou Dhabi serait rebaptisée mosquée Mariam Umm Issa (Marie, mère de Jésus) afin de "consolider les liens d'humanité entre les adeptes de différentes religions".
Les ONG de défense des droits humains déplorent toutefois régulièrement les violations aux Emirats, en particulier le sort d'Ahmed Mansour, un militant pro-démocratie emprisonné depuis 2017, dans le cadre d'une politique de sécurité intérieure sans merci.
F.Carpenteri--NZN