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Il se définit lui-même comme "fasciste", "raciste" et "antisémite": Payton Gendron, le jeune de 18 ans accusé d'avoir tué 10 Afro-Américains samedi à Buffalo s'est radicalisé seul en ligne autour du suprémacisme blanc et du "grand remplacement", des idéologies d'extrême droite qui font leur chemin aux Etats-Unis.
"Cet individu est venu avec l'objectif de tuer le plus de personnes noires possible", a résumé dimanche Byron Brown, le maire de cette ville du nord de l'Etat de New York plongée dans l'horreur.
Une volonté que le suspect, qui a été arrêté sur place, a expliquée en longueur dans un manifeste de 180 pages, où il écrit notamment: "Je suis simplement un homme blanc qui cherche à protéger et servir ma communauté, mon peuple, ma culture et ma race".
Il apparaît sur une photographie de la police avec des cheveux mi-longs, le visage renfrogné, quelques poils au menton.
Sa tuerie était minutieusement préparée: il avait, la veille, effectué des repérages dans le supermarché Tops où a eu lieu la fusillade, et son manifeste prévoit, minute par minute, son attaque, équipé comme un soldat de la tête aux pieds, une caméra en plus pour diffuser son assaut en direct sur la plateforme Twitch.
Poursuivi pour "meurtre avec préméditation", Payton Gendron a plaidé non coupable lors d'une première comparution ce week-end et doit repasser devant la justice le 19 mai. Il encourt la prison à vie.
Sur le canon de son fusil d'assaut, acheté légalement, on y voit inscrit en blanc un mot injurieux, raciste et tabou aux Etats-Unis pour désigner les personnes noires et le nombre "14", référence à un slogan des suprématistes blancs.
- Inspiré par une autre tuerie -
Payton Gendron est né en 2003 et a grandi dans une petite ville quasi exclusivement blanche, plutôt rurale, de l'Etat de New York, à plus de trois heures de route du supermarché de Buffalo. Il raconte avoir choisi cet endroit pour sa fusillade car situé dans le quartier avec "le plus fort taux" d'habitants afro-américains de la région.
Il y a un an, alors qu'on lui avait demandé ses intentions en sortant du lycée, il avait assuré vouloir perpétrer un massacre avant de se suicider. Une blague, selon lui, mais la police s'était inquiétée de cette menace et l'avait envoyé dans un hôpital psychiatrique, dont il était sorti quelques jours plus tard sans suivi, ont rapporté des médias américains.
Lui raconte dans son manifeste s'être plongé en mai 2020, après un "extrême ennui" dû au confinement contre le Covid-19, dans 4Chan, forum utilisé par l'extrême droite.
Il trouve là son inspiration: Brenton Tarrant, à l'origine d'un carnage dans deux mosquées de Nouvelle-Zélande en 2019, faisant 51 victimes, et auteur d'un manifeste. "Je l'ai lu et j'ai trouvé que j'étais majoritairement d'accord avec lui", note-il.
Il a d'ailleurs copié-collé de larges passages de son texte dans le sien, a constaté l'AFP.
- Priorité du gouvernement fédéral -
Au centre de leurs inquiétudes, la théorie dite du "grand remplacement", popularisée par l'écrivain français Renaud Camus. "Finalement, je me suis senti éveillé", écrit-il. "Plus jamais je n'accepterai notre remplacement", par, pense-t-il, des populations non-blanches. Alors qu'il est plongé dans cette thèse complotiste aux origines néo-nazies, il fait des sandwiches dans un petit magasin et suit brièvement des cours dans une petite université avant de décrocher.
Au lycée, après la levée des restrictions sanitaires, il s'était un jour présenté en combinaison étanche de type risque bactériologique ou chimique, selon d'anciens camarades interrogés par le New York Times, qui le décrivent comme de plus en plus isolé au fil de son adolescence.
Dans son manifeste, les théories complotistes s'enchaînent, et visent essentiellement les personnes noires et juives. Les graphiques pseudo-scientifiques sur la natalité alternent avec des mèmes, dont nombre sont empruntés au bréviaire historique de l'antisémitisme.
Son texte est aussi un appel à la radicalisation, "inévitable" face à "une tentative de génocide" écrit-il. Des idées extrémistes qui s'infusent de plus en plus aux Etats-Unis.
En septembre 2021, le patron de la police fédérale (FBI) avait indiqué qu'environ 2.700 enquêtes étaient en cours pour terrorisme intérieur, soit un doublement en un an et demi. Le FBI et le ministère américain de la justice ont chacun mis en place des cellules dédiées pour y faire face.
Des extrémistes ont notamment visé une église noire à Charleston (9 morts en 2015), une discothèque gay à Orlando (49 morts en 2016), une synagogue à Pittsburgh (11 morts en 2018), un supermarché fréquenté par des hispaniques à El Paso (23 morts en 2019).
J.Hasler--NZN