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Faute de pouvoir agir en Russie, trois figures de l'opposition russe en exil organisent dimanche à Berlin leur première grande manifestation anti-guerre et anti-Poutine, un rassemblement devant constituer un nouveau départ pour un mouvement ravagé par la répression et les conflits internes.
La marche, dimanche après-midi dans la capitale allemande, est organisée conjointement par Ioulia Navalnaïa, veuve d'Alexeï Navalny qui a repris les rênes de son mouvement, Ilia Iachine, un ex-député municipal moscovite et Vladimir Kara-Mourza, détracteur de longue date du Kremlin ayant survécu à deux tentatives d'assassinat.
Ces deux derniers étaient en outre jusqu'en août derrière les barreaux en Russie pour leurs critiques du Kremlin et leur dénonciation de l'invasion de l'Ukraine. Ils ont été libérés dans le cadre d'un grand échange avec les Occidentaux.
Pour Mme Navalnaïa, la manifestation doit montrer "qu'il existe une Russie antimilitariste et libre".
Illustrant la difficulté de cette ambition, l'opposante a dû admettre, dans un entretien diffusé mercredi par le média d'opposition Dojd, ne pas avoir de "plan" pour mettre fin au règne de Vladimir Poutine.
Pour autant, comme son mari avant elle, Mme Navalnaïa continue de croire qu'une "merveilleuse Russie" émergera à l'avenir.
La marche exigera donc "le retrait des troupes russes d'Ukraine, le jugement de Vladimir Poutine en tant que criminel de guerre et la libération de tous les prisonniers politiques", a précisé Ilia Iachine sur Telegram.
Le Kremlin a lui moqué mercredi des opposants russes "monstrueusement détachés de leur pays" et dont "l'opinion n'a aucune importance".
- Le vivier des exilés -
Privée d'influence en Russie par la répression qui a jeté des centaines voire des milliers de personnes en prison, l'opposition espère mobiliser le vivier de dizaines de milliers de Russes exilés depuis 2022, et dont Berlin, qui accueille foule d'entre eux, est devenue la capitale informelle.
Ilia Iachine, qui a récemment terminé une tournée européenne à la rencontre des exilés, veut tenter de mobiliser cette diaspora autour d'une "initiative anti-guerre et anti-Poutine" à même d'inspirer leurs compatriotes restés au pays.
"Tout ce que peut faire l'opposition actuellement, c'est de démontrer que les Russes sont contre la guerre et contre Poutine", relève le politologue russe Abbas Galliamov.
Deux choses détermineront ainsi le succès du rassemblement de Berlin: la crédibilité du message et le nombre de participants, explique-t-il à l'AFP.
Le problème est que depuis le décès d'Alexeï Navalny, l'opposition russe s'est surtout illustrée par des scandales impliquant ses différentes composantes.
En cause, l'agression au marteau d'un allié de Navalny, la victime pointant du doigt le courant de l'ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski. Ou encore ces accusations à l'adresse de la fondation anticorruption du défunt opposant qui aurait couvert des machinations de banquiers véreux en Russie.
"Il est très important de montrer que nous pouvons travailler ensemble et de consolider les diverses forces du mouvement anti-guerre russe", insistait dans ce contexte Vladimir Kara-Mourza, à l'antenne de Dojd début novembre.
- Funambulisme -
La réconciliation est d'autant plus urgente, que ces luttes nourrissent les frustrations.
L'homme d'affaires et critique du Kremlin Evguéni Tchitchvarkine, exilé à Londres depuis des années, a annoncé en novembre sa mise en retrait jusqu'à ce que les figures de l'opposition "se concentrent sur la lutte contre le régime".
"Il est clair que les conflits sont si profonds (...) qu'il est peu probable aujourd'hui de réconcilier tout le monde", admettait Ilia Iachine lors d'une interview au Moscow Times début novembre.
Autre source d'embarras: la question de l'Ukraine, un soutien trop marqué à Kiev et ses alliés occidentaux pouvant aliéner les Russes et détruire tout espoir de carrière politique future dans une Russie post-Poutine.
Dans un exercice de funambulisme, Ioulia Navalnaïa a ainsi assuré à l'antenne de Dojd souhaiter "la défaite de Vladimir Poutine" et non "la défaite de (s)on pays".
Interrogée par l'hebdomadaire allemand Die Zeit sur la poursuite de l'aide militaire occidentale à l'Ukraine, Mme Navalnaïa a répondu qu'il lui était "difficile de se prononcer", bottant en touche avec un appel à l'"arrêt immédiat" de la guerre.
Anecdotique mais révélateur, Ilia Iachine est lui intervenu alors que des exilés se disputaient en ligne sur les drapeaux à amener à la manifestation du 17 novembre: russe, ukrainien, les deux ?
"Concentrons-nous sur les affiches et les slogans. Devenons la voix de nos concitoyens qui sont réduits au silence en Russie", a-t-il plaidé sur Telegram auprès de ses 200.000 abonnés.
G.Kuhn--NZN