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Bogdana Loukiantchouk, 23 ans, n'était plus allée faire la fête depuis la mort de son père en mars dernier dans l'est de l'Ukraine, où il combattait l'armée russe. Elle s'autorise un écart lors d'une soirée électro à Kiev.
L'événement, organisé le 9 novembre, a permis de récolter des fonds pour la 3e Brigade d'Assaut, une unité formée en 2022 par des combattants ultranationalistes ukrainiens.
Cette brigade jouit d'une importante réputation car elle combat dans les secteurs les plus dangereux du front et mène parallèlement des campagnes de communication très visibles.
"Je savais que ce serait une soirée caritative avec des gens que je respecte et que je pouvais donc venir et décharger mes émotions, juste pendant une journée", dit Bogdana Loukiantchouk à l'AFP.
"La vie est toujours là en Ukraine, elle palpite, notre sang palpite", ajoute-t-elle, en hurlant pour surmonter le son de la musique.
Lors de la soirée, organisée un samedi soir, les fêtards pouvaient tester un simulateur de vol de drone ou acheter des produits dérivés de la 3e Brigade d'Assaut. Des membres d'un groupe de jeunesse nationaliste, Centuria, étaient également présents.
Ce mélange de fête et d'armée illustre le paradoxe de la jeunesse ukrainienne, qui tente de profiter de la vie tout en étant confrontée sans cesse à la mort, au deuil et au stress des bombardements après quasiment trois ans d'invasion russe.
Face à cette violence, des jeunes trouvent un refuge émotionnel et du sens auprès d'organisations nationalistes.
- Pas de "propagande lourde" –
Bogdana Loukiantchouk s'est rendue à la soirée électro avec des amies qu'elle a rencontrées lors de formations pour apprendre à se servir d'une arme et à poser des garrots.
Elle a peur que d'autres oublient la guerre qui lui a pris son père et se sent mieux avec des "gens conscients".
Mais la ferveur patriotique du début de l'invasion, en 2022, a décliné en Ukraine à mesure que la guerre se prolonge et que les morts s'accumulent. Les unités manquent de recrues et de financements.
A ce niveau, la 3e Brigade d'Assaut, créée par le politicien d'extrême droite Andriï Biletsky, se distingue avec ses contenus et son esthétique calibrés pour toucher les jeunes et se diffuser les réseaux sociaux, où elle est très suivie.
L'une de ses dernières campagnes exalte l'amour entre des femmes et leurs soldats. Comme d'autres, elle diffuse aussi des vidéos de combats intenses filmées par des militaires en première ligne et rappelant des scènes de jeu vidéo.
Pendant la soirée électro, la salle de simulation de vol de drone était remplie d'adolescents, dont certains regardaient un écran avec le logo blanc de Centuria, le groupe de jeunesse nationaliste.
Cette organisation, qui dit mépriser "le culte moderne de la faiblesse" et veut "élever des Ukrainiens forts", est suivie par 16.500 personnes sur Instagram, où elle propose des événements allant de la conférence aux combats au couteau.
"On implique doucement les jeunes. On ne le fait pas à coups de propagande lourde mais plutôt via le divertissement, c'est comme ça qu'on développe leur loyauté", explique Viktor Mazour, l'organisateur de la rave party.
- "Enfants de la guerre" -
Une participante, Sofia Tabatska, 24 ans, est surprise d'arriver à piloter le drone. "C'est comme un jeu d'ordinateur", observe-t-elle. Mais elle ne prévoit pas de s'engager dans l'armée prochainement, se disant pacifiste.
Pour la psychologue Marianna Tkalytch, une militarisation de la société ukrainienne était inévitable du fait de l'invasion russe.
Elle estime toutefois que ce processus pourrait ne pas durer. Le test viendra à la fin de la guerre.
Selon elle, dans l'après-guerre, la popularité des organisations militaires et patriotiques dépendra de la capacité de l'Etat et de la société à prendre en charge une génération traumatisée par le conflit.
"Il y aura des jeunes qui n'ont pas trouvé de sens dans d'autres sphères et qui n'ont pas eu de vie normale", souligne Mme Tkalytch. "La génération qui grandit actuellement est celle des enfants de la guerre."
Iouri, 14 ans, est membre de Centuria. Il était encore un enfant quand l'agression militaire russe contre l'Ukraine a débuté en 2014. Et dès qu'il aura 18 ans, l'adolescent prévoit de s'engager dans l'armée.
Il a déjà participé à des ateliers pour apprendre à utiliser un fusil d'assaut et souhaite que sa famille le soutienne dans son choix. "Ma mère est au courant, j'espère que ça sera OK."
O.Hofer--NZN