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"Un abus de langage": au procès de l'ancien patron du renseignement Bernard Squarcini et de neuf autres personnes, plusieurs prévenus ont réfuté avoir "infiltré" et espionné l'association Fakir de François Ruffin pour l'empêcher de perturber les assemblées générales du groupe de luxe LVMH.
Le tribunal correctionnel de Paris examine depuis mercredi le troisième volet de ce dossier à tiroirs, qui concerne la rocambolesque surveillance, entre 2013 et 2016, du journaliste, élu depuis député, et des membres du journal Fakir.
A l'époque, ces derniers tournaient le documentaire "Merci patron !" sur Bernard Arnault, le PDG de LVMH. Ils projetaient aussi de perturber des assemblées générales de l'entreprise.
Avec l'ancien policier passé dans le privé Hervé Séveno, ainsi que le consultant Jean-Charles Brisard, M. Squarcini, qui avait fondé après son départ de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) une société de conseil travaillant essentiellement avec LVMH, est soupçonné d'avoir mis en place un système élaboré de surveillance de M. Ruffin et de Fakir, par le biais d'un homme aujourd'hui âgé de 63 ans.
Celui-ci, qui se présente au tribunal comme un journaliste et un ancien correspondant de la DGSE, est suspecté d'avoir facilité l'infiltration d'une femme dans l'association, afin qu'elle l'informe de ses projets.
Il faisait ensuite remonter ces informations à Jean-Charles Brisard, à la tête de la société d'intelligence économique JCB Consulting.
"C'est pas ça, infiltrer", réfute-t-il à la barre, expliquant l'avoir incitée à postuler pour devenir la "photographe attitrée" du journal et assurant que les éléments qu'elle avait transmis n'étaient d'"aucune utilité".
Le président du tribunal, Benjamin Blanchet, demande ensuite à M. Brisard pourquoi ce dernier avait lui-même employé à plusieurs reprises le terme "infiltration" dans ses échanges avec certains protagonistes du dossier.
"Moi-même je me rends compte avec le recul qu'il s'agit d'un abus de langage", répond-il embarrassé, avançant que "nulle part dans le dossier" ne figuraient "des comptes rendus de surveillance", "filatures" ou "planques".
"Ce sont des conversations téléphoniques, prises comme ça sur l'instant", explique de son côté Hervé Séveno, jugeant ces termes "malheureux, inadéquats".
"Ce n'est pas une infiltration, c'est une remontée d'information préventive", précise-t-il, assurant qu'il s'agissait "d'identifier un dispositif de nuisance à des événements, assemblées générales ou autres".
"Je trouve qu'il faudrait à un moment donné remettre les choses dans leur contexte", ajoute-t-il, regrettant que les "fauteurs de troubles", autrement dit les membres de Fakir, apparaissent désormais comme des "victimes". "C'est une inversion", s'émeut-il.
"Si vous considérez qu'il y a des intrusions, des fauteurs de troubles, pourquoi personne n'appelle la police ? Pourquoi vous ne faites pas un dépôt de plainte ? Pourquoi choisir des agissements d'enquête parallèle ?", lui demande Me Benjamin Sarfati, avocat de M. Ruffin.
"Vous imaginez bien que je ne suis pas moi-même responsable des démarches à suivre", botte en touche M. Séveno.
B.Brunner--NZN