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Des milliers de partisans du principal opposant mozambicain, Venancio Mondlane, ont envahi le centre de la capitale Maputo pour saluer son retour d'exil, dans un climat de vive tension qui a dégénéré en affrontements avec la police.
Revendiquant toujours sa victoire aux élections du 9 octobre, l'opposant, en costume sombre et collier de fleurs blanches, s'est dit prêt à négocier avec le Frelimo, au pouvoir dans le pays lusophone d'Afrique australe depuis 50 ans, après des mois de manifestations violentes, l'opposition contestant un scrutin "volé".
Parti fin octobre, car il craignait pour sa sécurité après l'assassinat de deux de ses proches, "Venancio", comme l'appelle la rue, a expliqué être rentré pour "briser l'idée" qu'il se dérobait au dialogue avec le pouvoir.
Dès l'aéroport, devant les caméras, il s'est adressé au Frelimo: "Je suis donc ici, en chair et en os, pour dire que si vous voulez négocier (...), je suis là".
Il a aussi mis en scène une prestation de serment symbolique, une Bible en main, se présentant comme "le président élu par le peuple mozambicain".
A Maputo, sous la pluie, des milliers de ses partisans se sont affrontés avec la police anti-émeutes, jetant des pierres et se rinçant les yeux dans les flaques d'eau à terre pour atténuer les effets des grenades de gaz lacrymogène.
Les policiers, comme souvent, ont tiré à balles réelles, blessant au moins plusieurs personnes, a constaté une équipe de l'AFP.
"Venancio" s'est rendu dans le centre-ville en voiture, suivi par des centaines de partisans à pied. Près du marché Estrela, il est monté sur le toit du véhicule pour saluer la foule, serré de près par les hommes en noir assurant sa sécurité. Peu après, la police a rapidement dispersé les sympathisants en ouvrant une nouvelle fois le feu.
Tôt dans la matinée, aux abords ultra-sécurisés de l'aéroport, un partisan avait déjà été blessé par balle à la tête, a constaté un photographe de l'AFP.
- Bain de foule et affrontements -
A moins d'une semaine de l'investiture de Daniel Chapo à la tête de l'Etat, assurant la continuité du Frelimo au pouvoir, ce retour du parlementaire et ancien chroniqueur radio de 50 ans pourrait faire basculer le Mozambique dans le chaos, redoutent de nombreux experts.
Avant Noël, la plus haute cour du pays avait confirmé un score de 65,17% des voix pour M. Chapo et seulement 24% pour M. Mondlane.
"Venancio rentre et reprend l'initiative politique", résume Eric Morier-Genoud, historien spécialiste du Mozambique. "Son retour est risqué, mais encore plus pour le Frelimo".
Alors que le parquet a lancé des poursuites contre l'opposant, le jugeant responsable des violences, pillages et dégradations qui ont accompagné les manifestations post-électorales, il risque toujours d'être arrêté.
"Je suis prêt à me soumettre à la justice, à me défendre", a-t-il déclaré jeudi, "et à prouver à la justice qui sont les vrais coupables des crimes (...) qui se sont produits jusqu'à présent".
Avec ce retour, l'opposant mozambicain "occupe le centre" de l'attention "et le Frelimo se trouve affaibli à quelques jours de l'investiture des députés" lundi puis du président mercredi, souligne Eric Morier-Genoud.
Depuis octobre, les manifestations dans le pays ont fait 300 morts, selon une ONG locale, et ont évolué vers une protestation plus générale contre le pouvoir, dans ce pays pauvre et aux inégalités criantes.
Le retour de l'ennemi numéro un du Frelimo, silhouette élancée et coiffure afro distinctive, est "un événement crucial qui va soit déstabiliser" davantage le pays, "soit résoudre la crise politique", pronostique Tendai Mbanje, du Centre africain pour la gouvernance.
Le Frelimo, s'il "souhaite unir le pays", doit considérer son retour comme "une opportunité de dialogue pour avancer", fait-il valoir.
W.Vogt--NZN