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C'est la grande surprise de la présidentielle en Colombie. Rodolfo Hernandez, un millionnaire quasi-octogénaire, a mis la droite traditionnelle hors course et affronte dimanche au second tour l'opposant de gauche Gustavo Petro.
Sa formule magique : sus à la corruption, aux "voleurs" et à l'argent jeté par les fenêtres par la "bureaucratie, pour au final des idées parfois bien difficiles à cerner.
Parmi son patchwork de mesures : la "fermeture d'ambassades" colombiennes dans le monde pour amortir les prêts étudiants ou l'obligation pour tous les Colombiens de faire du sport et d'aller au moins une fois à la mer.
- "En pyjama" -
Outsider sans l'appui d'aucun parti, cet ingénieur de 77 ans a obtenu 5,4 millions de voix (28,17%) le 19 mai, devançant le candidat de droite Federico Gutierrez soutenu par les conservateurs au pouvoir.
Cette même droite, effrayée d'une possible arrivée de la gauche au pouvoir, lui a immédiatement exprimé son soutien. "Je reçois les votes d'où qu'ils viennent, mais ce que je ne veux pas c'est recevoir d'instruction", a-t-il prévenu.
Le soir du 1er tour, "j'étais dans ma finca ('propriété', ndlr) en pyjama", rigole le millionnaire qui raconte "se coucher tous les soirs juste après manger, à 19H00, pour se lever à 04H15".
Celui qui dit "vouloir en terminer avec la pauvreté, sans pour autant en terminer avec les riches", assure qu'il sera "le président de la juste mesure".
Son conseiller, l'Argentin Angel Beccassino, le définit comme étant du centre, "avec une personnalité et une volonté très forte, et une urgence de résultats". "Il n'est pas facile à étiqueter...", reconnaît-il, soulignant "sa connexion profonde avec les gens" grâce à son franc-parler parfois "surprenant".
Professeure de sciences politiques à l'Université des Andes, Angela Rettberg juge que Rodolfo Hernandez "profite de tout : de la lassitude envers la classe politique traditionnelle et use d'une communication très basique avec un langage familier".
Surtout, il n'explique guère comment il réalisera ses promesses, tandis que ses interventions masquent, avec une apparente ingénuité la complexité de la réalité.
"Ne pas trahir les électeurs, ne pas mentir, ne pas voler et zéro impunité", répète-t-il à l'envi, promettant par exemple de "mettre au ministère des Finances quelqu'un qui sait faire des additions et des soustractions".
M. Hernandez a fait fortune dans l'immobilier, en construisant des lotissements populaires dans sa ville natale de Piedecuesta (nord), dans les années 1970. Il serait riche à hauteur de 100 millions de dollars, affirme-t-il.
Il a été élu fin 2015 maire de la ville voisine de Bucaramanga, capitale du département de Santander. Pendant son mandat (2016-2019), il s'est fait connaître dans le reste du pays pour ses "lives" hebdomadaires sur Facebook.
Inculpé pour avoir favorisé une entreprise liée à son fils, il doit être jugé le 21 juillet dans cette affaire portant sur un contrat de 143 millions de dollars pour la collecte d'ordures.
- Meringue -
Il a défrayé la chronique pour ses pugilats avec des conseillers municipaux, ses déclarations à l'emporte-pièce, ses brusques changements d'opinion ou encore ses bourdes, comme quand il s'était dit admirateur du "penseur allemand Adolf Hitler", avant de se reprendre et affirmer qu'il voulait dire "Albert Einstein".
Accusé de "machisme" par les féministes, il dit être devenu "doux comme une meringue" grâce son épouse avec laquelle il est marié depuis 40 ans, loue le courage des femmes, et promet la parité dans son gouvernement.
La comparaison avec Donald Trump est inévitable, ce qui le "fait rire" : "je suis un SDF à côté de lui", assure l'autoproclamé roi de Tiktok, qui communique pour l'essentiel via les réseaux sociaux.
Quasiment sans aucun représentant au Parlement, le candidat a déjà laissé entrevoir comment il gouvernerait le pays : en pointant du doigt publiquement ses adversaires supposés "corrompus" et en prenant à témoin directement les Colombiens.
S'il est élu, il ne percevra pas son salaire, promet de réduire le train de vie de la présidence et des parlementaires.
Sa prise de fonction aura lieu "chez lui", ce sera "gratuit", avec "quelques bières" pour fêter ça. Et "sans aucun des habituels hippopotames qui viennent quémander des postes ou une ambassade, ni chef d'Etat étranger", a-t-il prévenu.
L.Rossi--NZN