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"Il faudra faire preuve de beaucoup d'imagination" pour gouverner: le camp Macron arrive, certes, en tête au second tour des élections législatives dimanche mais perd la majorité absolue face à la forte percée de la gauche unie et celle, historique, du Rassemblement national, selon les estimations.
S'ils sont confirmés, ces résultats inédits sous la 5e République posent la question de la capacité d'Emmanuel Macron à pouvoir gouverner le pays et faire voter les réformes promises, notamment celle des retraites.
Deux mois après sa réélection, le chef de l'Etat qui avait exhorté plusieurs fois les Français à lui donner "une majorité forte et claire" n'a pas été entendu et voit même le RN, désigné comme l'ennemi N.1 de la présidentielle, débarquer massivement et contre toute attente au Palais-Bourbon avec jusqu'à une centaine de députés selon certaines estimations.
Ces scores posent aussi la question du maintien d'Elisabeth Borne à Matignon: à la recherche d'alliés, notamment à droite, M. Macron devra-t-il repeindre du sol au plafond son gouvernement ?
Symboles de la claque reçue, les défaites des chefs de file de la macronie à l'Assemblée, deux intimes de M. Macron: le président Richard Ferrand battu dans son fief du Finistère et le patron des députés LREM Christophe Castaner dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Trois ministres, au moins, Amélie de Montchalin (Transition écologique), Brigitte Bourguignon (Santé) et Justine Benin (Mer) ont également mordu la poussière et devront quitter les rangs de l'exécutif.
"C'est loin de ce qu'on espérait", a admis le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, en affirmant que cette "situation inédite" allait "imposer de dépasser nos certitudes, nos clivages".
"Nous allons construire très vite une majorité pour qu'elle devienne absolue à l'Assemblée nationale", a renchéri son collègue des Relations avec le Parlement Olivier Véran.
- Abstention majoritaire -
La coalition présidentielle Ensemble!(LREM, MoDem, Agir et Horizons) obtient entre 210 et 240 sièges, selon les instituts de sondage. Elle serait ainsi loin de son objectif d'atteindre la majorité absolue de 289 députés sur 577, contrairement à 2017, ce qui lui avait permis d'avoir la haute main sur le Palais Bourbon pendant cinq ans.
Le camp Macron est désormais pris en étau entre deux groupes puissants qui ont clairement affirmé leur opposition.
La bataille s'annonce rude face à une gauche unie puissante (LFI, PS, EELV et PCF), qui devient la première force d'opposition avec de 149 à 195 députés.
Au premier tour, la majorité sortante était arrivée au coude-à-coude - autour de 26% des voix - avec l'alliance de gauche.
Jean-Luc Mélenchon s'est félicité de la "déroute totale" du parti présidentiel, en annonçant que la Nupes allait "mettre le meilleur" d'elle même "dans le combat" parlementaire.
- "Opposition ferme" du RN -
Ensemble! devra aussi composer avec un Rassemblement national nettement renforcé qui, avec de 75 à 102 sièges selon les estimations, constitue la grande surprise de ce deuxième tour, après une campagne en retrait, effacée par le duel entre le camp Macron et la gauche. Un "tsunami", s'est même félicité le président par intérim du parti Jordan Bardella, alors que le RN ne comptait que huit élus en 2017.
Conséquence, le RN sera en mesure de former facilement un groupe parlementaire, ce qu'il n'avait réussi qu'une fois dans son histoire, de 1986 à 1988, du temps du Front national de Jean-Marie Le Pen, grâce à la proportionnelle.
"Nous incarnerons une opposition ferme, sans connivence, responsable", a annoncé Marine Le Pen, réélue dans le Pas-de-Calais.
- LR en position centrale -
Les Républicains, qui représentaient la deuxième force dans l'Assemblée sortante, sont crédités de 55 à 80 députés, un chiffre quasi inespéré vu leur crash à la présidentielle. Leur position sera centrale dans l'Assemblée puisque le camp Macron aura besoin de voix pour atteindre la majorité absolue.
Le maire LR de Meaux Jean-François Copé a ainsi appelé dimanche à un "pacte de gouvernement" avec Emmanuel Macron, estimant qu'"il appartient à la droite républicaine de sauver le pays". Mais Christian Jacob, son président, a assuré que son parti resterait "dans l'opposition" et Eric Ciotti qu'il ne pensait pas pouvoir être "la roue de secours d'un macronisme en déroute.
Il faudra donc "beaucoup d'imagination" pour agir dans cette "situation inédite", a admis le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, en estimant que, malgré tout, la France n'était pas ingouvernable.
Pour Emmanuel Macron, "ce quinquennat sera un quinquennat de négociations, de compromis parlementaires. Ce n’est plus Jupiter qui gouvernera mais un président aux prises avec une absence de majorité à l’Assemblée", prévoit le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau.
Dans les prochains jours, le président devra superviser un remaniement de son gouvernement en remplaçant au moins trois ministres et décider s'il conserve sa confiance à la Première ministre Elisabeth Borne, réélue de justesse pour son baptème du feu électoral dans le Calvados.
R.Schmid--NZN