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La Colombie a voté dimanche pour choisir son nouveau président entre l'opposant de gauche Gustavo Petro et l'homme d'affaires indépendant Rodolfo Hernandez, deux candidats incarnant la rupture qui se sont livrés jusqu'au bout une lutte impitoyable.
"Nous allons élire un bon président, différent de ceux d'avant" : à l'image d'un électeur de Bogota, les Colombiens se sont rendus en nombre aux urnes en exprimant une nouvelle fois leur soif de changement, sur fond de rumeurs d'accusations de fraude par le camp Petro.
Le Registre national, en charge de l'organisation du scrutin, a annoncé à 16H00 (21H00 GMT) la fermeture des bureaux de vote. Les résultats provisoires sont attendus dans la soirée.
Dans quelques heures, la Colombie connaîtra son nouveau président, au terme d'une lutte particulièrement âpre entre deux candidats "anti-establishment" qui ont balayé lors du premier tour le 29 mai les élites conservatrices et libérales au pouvoir depuis deux siècles, et d'une campagne à l'atmosphère exécrable.
Les derniers sondages publiés les donnaient à quasi-égalité.
- "A la maison" -
Le sénateur , ex-guérillero reconverti à la social-démocratie et ancien maire de Bogota pourrait devenir le premier président de gauche de la Colombie. Ou ce sera l'inclassable millionnaire , ex-maire d'une grande ville du nord, qualifié surprise promettant d'en finir avec les "voleurs" et la "bureaucratie", qui présidera aux destinées du pays.
Petro a voté en famille en fin de matinée dans un quartier populaire de Bogota. Son équipe a prévu une grande soirée électorale dans une vaste salle de spectacle de la capitale.
Hernandez, qui lui a voté aux aurores dans son fief de Bucaramanga, a annoncé qu'il y attendrait les résultats "à la maison".
Près de 320.00 policiers et militaires avaient été déployés pour la sécurité du scrutin, et aucun incident majeur n'était reporté en fin d'après-midi.
Le nouvel élu succèdera au conservateur Ivan Duque, qui ne pouvait pas se représenter et achève son mandat particulièrement impopulaire.
Cette élection se déroulait dans un contexte de crise profonde, après la pandémie, une sévère récession, des manifestations antigouvernementales durement réprimées, et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.
Présidentielle de "rupture", "journée historique", "grand changement" annoncé pour une élection "au finish", ont résumé les médias.
A Bogota, l'affluence dans les bureaux de vote a été soutenue, a-t-on constaté, avec des électeurs parfois enthousiastes, incertains ou inquiets, mais presque toujours désireux de rompre avec les politiques traditionnels. "Je veux un changement. Peut-être que nous n'aurons pas de messie mais c'est mieux de venir voter", a commenté Maria Diaz, 42 ans.
L'hypothèse d'un résultat trop serré a inquiété ces derniers jours, faisant craindre de possibles débordements. Les réserves exprimées à plusieurs reprises par le camp Petro ont instillé un doute sur la fiabilité du processus électoral.
"Les sondages nous placent loin devant l'autre candidat,(...) Il ne reste plus qu'à surveiller la fraude", a affirmé de nouveau dimanche le sénateur de gauche via Twitter.
"En démocratie, seul compte le bulletin de vote. N'insistez pas pour créer une atmosphère de fraude basée sur des ragots", a riposté M. Hernandez.
- "Ferme et fort" -
A la suite de dénonciations du camp Petro, le Registre national a mis en garde au cours de la journée les électeurs, photos à l'appui, contre des bulletins discrètement griffonnés au stylo, susceptibles d'être considérés comme nuls.
Le matin même, à l'ouverture du vote, son patron, Alexander Vega, avait assuré que le processus électoral restait "ferme et fort".
M. Petro, 62 ans, était arrivé largement en tête du premier tour, avec 40% contre 28% à M. Hernandez, 77 ans, et une participation de 55%.
"Il est l'heure d'élire un homme à votre image qui veut simplement en finir avec la corruption et faire avancer la Colombie", a commenté dimanche sur Twitter le magnat de l'immobilier, dont l'une des formules choc est "ne pas voler, ne pas mentir, ne pas trahir".
"Voulons-nous continuer à reculer, suivre la voie du passé, ou avancer ensemble?", a plaidé de son côté Petro, dans une ultime adresse aux électeurs. "Il ne s'agit pas de Petro ou Hernandez, il s'agit de choisir un changement véritable et réel en faveur de la vie. Le choix est entre vos mains".
Quelque soit le vainqueur, la Colombie aura dimanche soir pour la première fois de son histoire une vice-présidente afrodescendante : la colistière de Petro, l'activiste Francia Marquez, 40 ans, ou l'universitaire Marelen Castillo, 53 ans.
Dans un pays divisé, sorti encore plus polarisé de cette présidentielle, tous les analystes insistent sur la tâche immense qui attend le prochain président pour recomposer une société fracturée.
Une contestation officielle des résultats provisoires par l'un des deux camps prolongerait tout le processus de plusieurs jours et plongerait le pays dans une dangereuse incertitude.
"Il y a beaucoup de frustration dans les rues et beaucoup de polarisation politique", a mis en garde Elizabeth Dickinson, analyste pour l'International Crisis Group (ICG), jugeant que "cela pourrait facilement dégénérer en troubles post-électoraux".
O.Pereira--NZN