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Les députés équatoriens ont repris dimanche leur débat sur une destitution éventuelle du président Guillermo Lasso, au treizième jour des manifestations indigènes contre le coût de la vie qui menacent d'entraîner l'arrêt de la production pétrolière du pays d'ici 48 heures selon le gouvernement.
A la demande de députés soutenant l'ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017), le Parlement monocaméral examine depuis samedi soir cette demande de destitution de M. Lasso, que des députés d'opposition rendent responsable de la "grave crise politique" qui secoue le pays depuis le 13 juin.
Suspendus dans la nuit de samedi à dimanche, les débats ont repris, par téléconférence, en fin d'après-midi. Plus d'une trentaine de parlementaires devaient encore s'exprimer avant un possible vote.
Une majorité de 92 voix sur 137 est nécessaire pour que la procédure de destitution soit adoptée, alors que l'opposition est majoritaire mais divisée au sein de l'Assemblée.
- "Nous battre dans la rue" -
Le chef de l'Etat, un ancien banquier au pouvoir depuis mai 2021, a délégué son secrétaire juridique Fabio Pozo pour le représenter devant l'assemblée.
Depuis le 13 juin, des milliers de manifestants indigènes sont mobilisés dans tout le pays pour protester contre la hausse du coût de la vie et exiger notamment une baisse des prix des carburants, d'après la police, qui estime leur nombre à près de 10.000 dans la capitale.
Les violences entre manifestants et forces de l'ordre ont fait cinq morts, selon une ONG des droits de l'homme. Quelque 500 personnes ont été blessées - civils, policiers et militaires -, selon différentes sources.
Barrages et blocages sur les routes continuent dans 19 des 24 provinces du pays. Des pénuries sont déjà signalées à Quito, où les prix ont grimpé en flèche et de nombreux marchés restent fermés.
La production de pétrole en Equateur est à un "niveau critique" et cessera d'ici 48 heures si les manifestations et blocages se poursuivent, a affirmé dimanche le ministère de l'Energie, parlant d'une production déjà réduite ce jour à 50% de la normale.
"(...) Le vandalisme, la saisie des puits et la fermeture des routes ont empêché le transport des fournitures et du diesel nécessaires au maintien des opérations", selon le ministère. Le pétrole, extrait dans les provinces amazoniennes, est le premier produit d'exportation du pays.
"Les pertes économiques dans leur ensemble (...) s'élèvent à 500 millions de dollars", selon le ministre de la Production, Julio José Prado.
La journée de dimanche a été calme, sans cortège dans les rues de la Quito, où les manifestants sont restés se reposer notamment dans un centre culturel indigène et dans deux universités qu'ils occupent.
Le leader du mouvement, Leonidas Iza, le chef de la Confédération des nationalités indigènes (Conaie, fer de lance des manifestations), s'est exprimé devant quelques-uns de ses partisans dans le parc Arbolito, l'un des coeurs de la contestation, promettant la poursuite des manifestations.
"Demain nous allons nous réunir pour continuer à nous battre dans les rues, aujourd'hui nous allons nous réorganiser", a lancé M. Iza, dans son habituel poncho rouge et chapeau de feutre noir sur la tête.
- "Abndonner la violence" -
Samedi soir, M. Lasso a mis fin à l'état d'urgence déclaré huit jours auparavant dans six des 24 provinces du pays, les plus touchées par les manifestations, selon un nouveau décret publié par le bureau du président.
Le jour-même, une première tentative de dialogue entre dirigeants du mouvement indigène dont M. Iza et plusieurs ministres du gouvernement, s'est tenu sous les auspices du président de l'Assemblée, Virgilio Saquicela. Mais sans résultat ou la moindre avancée jusqu'à cette heure.
La ville est en grande partie paralysée et ses accès bloqués par de nombreux barrages routiers. Les manifestants ont tenté à deux reprises, jeudi et vendredi, de pénétrer dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, d'où ils ont été repoussés par les forces de l'ordre, qui ont menacé de faire usage désormais d'armes létales.
Vendredi, M. Lasso, qui a reçu récemment le soutien de l'armée, a accusé les manifestants de vouloir "perpétrer un coup d'Etat".
Des mobilisations du mouvement indigène ont provoqué la chute de trois présidents entre 1997 et 2005.
Depuis Rome, le pape François a appelé au calme dimanche: "je suis avec inquiétude ce qui se passe en Equateur", a dit le pape juste après sa traditionnelle prière dominicale de l'Angelus.
"J'encourage toutes les parties à abandonner la violence et les positions extrémistes", a-t-il ajouté, "apprenons (que) la paix sociale ne peut être trouvée que par le dialogue, bientôt je l'espère".
X.Blaser--NZN