AEX
-3.3700
Les Kényans attendaient mercredi les résultats des élections générales de la veille, marquées par une hausse de l'abstention, pour savoir qui sortira vainqueur d'un duel s'annonçant serré entre le vétéran Raila Odinga et le vice-président sortant William Ruto.
Sur fond de désillusion envers la classe politique et de flambée du coût de la vie, environ 65% des 22,1 millions d'électeurs se sont rendus aux urnes pour élire président, députés et élus locaux selon la Commission électorale indépendante (IEBC). Une forte chute par rapport à la participation de 78% aux précédentes élections en 2017.
"Les gens ne sont pas venus (voter) comparé au passé parce qu'ils y a eu de fausses promesses" pendant des années, a déploré auprès de l'AFP Anthony Kemboi, un étudiant de 24 ans vivant à Eldoret (ouest).
Si aucun des deux favoris ne recueille plus de 50% des voix, le Kenya connaîtra pour la première fois un second tour à la présidentielle.
MM. Odinga et Ruto ont tout deux assuré durant la campagne qu'ils reconnaîtraient les résultats. Mais le pays redoutait mercredi d'être une nouvelle fois happé dans une saga post-électorale dont il est familier, tous les scrutins ayant été contestés depuis 2002 dans ce pays considéré comme un point d'ancrage démocratique en Afrique de l'Est.
La présidentielle d'août 2017 avait été invalidée par la justice pour "irrégularités", puis reprogrammée, écornant la réputation de l'IEBC et prolongeant un processus marqué par des dizaines de morts dans des répressions policières.
Et surtout, en 2007-2008, la contestation des résultats par M. Odinga avait conduit à des affrontements inter-communautaires ayant fait plus de 1.100 morts.
- Pression -
La pression s'accroît donc sur la commission électorale, qui doit déclarer les résultats au plus tard le 16 août. Ses agents travaillent d'arrache-pied pour dépouiller les millions de bulletins et dissiper les craintes de truquage.
"Nous faisons tout notre possible pour que le processus soit accompli le plus tôt possible", a déclaré mercredi Wafula Chebukati, président de l'IEBC.
L'attente durera d'autant plus que mercredi quelques Kényans votaient encore dans deux circonscriptions où des bureaux de vote n'ont pu ouvrir à temps mardi, en raison de problèmes techniques notamment.
Après le dépouillement manuel dans le bureau de vote, les résultats sont transmis électroniquement à l'échelon de la circonscription pour être compilés, puis au niveau national pour aboutir au résultat final.
Les procès-verbaux dressés dans chaque bureau de vote doivent également être authentifiés après avoir été transmis sous forme de photo.
"Ce n'est pas un processus rapide", a commenté depuis Eldoret Gabrielle Lynch, professeure à l'Université de Warwick (Grande-Bretagne). Les documents doivent être "traités, comptabilisés, recoupés" à Nairobi, "cela prendra au moins quelques jours".
- "Aucun changement" -
Poids lourd économique de 50 millions d'habitants, le Kenya a été durement touché par les conséquences de la pandémie, puis de la guerre en Ukraine et d'une sécheresse record. Le pays connaît actuellement une flambée du coût de la vie.
Les promesses de campagne de MM. Odinga et Ruto - deux puissants et riches hommes d'affaires -, axées sur le pouvoir d'achat et la lutte contre la corruption, n'ont pas nécessairement convaincu la population qui, pour environ un tiers, vit dans la pauvreté.
"Je n'ai même pas voté parce que je m'en fiche, parce que ce sont les mêmes vieux qui racontent les mêmes vieilles histoires et ils ne font rien pour nous", a estimé Caroline Mwangi, 31 ans, serveuse dans un restaurant de Nairobi.
Odinga comme Ruto ont notamment promis un avenir économique plus radieux pour les jeunes, les moins de 34 ans représentant les trois quarts de la population mais étant particulièrement touchés par le chômage.
A Kisumu, Eldoret, tout comme dans la capitale, la vie n'avait pas encore repris son cours normal, des magasins restaient fermés et les rues semblaient en partie endormies. La présence policière était discrète.
"De manière générale, l'atmosphère politique a été neutre en quelque sorte, et donc la tension est moins intense", résume Benson Juma, un travailleur social de 38 ans d'Eldoret. "Je sais que la paix prévaudra".
L.Zimmermann--NZN