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L'Irak a décrété un couvre-feu national alors que des tirs à balles réelles résonnent lundi dans la Zone Verte de Bagdad en plein chaos après un nouveau coup d'éclat du leader chiite Moqtada Sadr qui a annoncé son "retrait définitif" de la politique.
L'Irak, dans l'impasse politique depuis les législatives d'octobre 2021, ne cesse de s'enfoncer dans la crise. Lundi, la situation a brutalement dégénéré dans la capitale: après l'annonce surprise de leur leader, l'un des plus importants acteurs de la politique irakienne, des centaines de sadristes ont envahi le palais de la République où siège le Conseil des ministres, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Alors qu'ils investissaient les bureaux, s'installant dans des fauteuils, sautant dans la piscine ou prenant des selfies, les forces de l'ordre sont intervenus, tirant des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants aux entrées de la Zone Verte, a affirmé une source de sécurité à l'AFP.
Mais le couvre-feu décrété par l'armée dans Bagdad à partir de 12h30 GMT et dans tout l'Irak à 16H00 GMT et le quadrillage de la capitale par les forces de l'ordre n'y ont rien fait: le chaos a gagné la Zone Verte.
- Echanges de tirs -
Des tirs à balles réelles ont éclaté aux entrées de cette île sur le Tigre ultra-sécurisée et désormais bouclée, ont rapporté des journalistes de l'AFP.
Des témoins ont fait état à l'AFP d'échanges de tirs entre sadristes et partisans du Cadre de coordination, rival pro-Iran du camp de Moqtada Sadr.
Dans l'immédiat, aucune source n'a fait état de blessés ou de décès.
Depuis près d'un an, les barons de la politique ne parviennent pas à s'accorder sur le nom d'un nouveau Premier ministre. L'Irak, l'un des plus grands producteurs de pétrole au monde, n'a donc ni nouveau gouvernement ni nouveau président depuis les législatives.
Pour sortir de la crise, Moqtada Sadr et le Cadre de coordination s'accordent sur un point: il faut un nouveau scrutin anticipé. Mais si Moqtada Sadr insiste pour dissoudre le Parlement avant tout, ses rivaux veulent d'abord nommer un gouvernement.
Le palais de la République envahi, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi a suspendu "jusqu'à nouvel ordre" le Conseil des ministres, appelant Moqtada Sadr à "enjoindre les manifestants à se retirer des institutions gouvernementales".
Moqtada Sadr, aussi influent qu'imprévisible, n'a cessé de faire monter les enchères ces dernières semaines: depuis un mois, ses partisans campent aux abords du Parlement et ont même bloqué brièvement l'accès à la plus haute instance judiciaire du pays.
Lundi, dans un nouveau rebondissement, il a annoncé son "retrait définitif" de la politique et la fermeture des institutions liées à sa famille, "à l'exception du Mausolée sacré (de son père Mohammed Sadr mort en 1999, ndlr), du Musée d'honneur et de l'Autorité du patrimoine Al-Sadr".
Le leader chiite est l'un des poids lourds de la politique qui peuvent envenimer la crise ou sortir le pays de l'impasse car son aura religieuse et politique porte dans une partie de la communauté chiite, majoritaire en Irak.
Arrivé premier aux législatives avec 73 sièges (sur 329) mais, incapable de former une majorité, il avait fait démissionner ses députés en juin, affirmant vouloir "réformer" de fond en comble le système et en finir avec la "corruption".
-"Terrifiant"-
Pour Hamzeh Hadad, chercheur invité au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), son annonce "n'est pas très claire".
"Dans la tradition sadriste, on peut s'attendre à ce qu'il fasse marche arrière", dit-il à l'AFP. Mais, "et c'est plus terrifiant, on peut penser qu'il donne à ses partisans le feu vert pour faire ce qu'ils veulent, en disant qu'il ne répond plus de leurs actions".
Samedi, Moqtada Sadr avait donné "72 heures" à "tous les partis" en place depuis la chute de Saddam Hussein en 2003 --dont le sien-- pour renoncer aux postes gouvernementaux qu'ils détiennent et laisser "place aux réformes".
Les prises de bec entre les sadristes et le Cadre de coordination n'ont pas jusqu'ici dégénéré en affrontements armés, mais le Hachd al-Chaabi, d'anciens paramilitaires alliés à Téhéran et intégrés aux forces irakiennes, s'est dit prêt à "défendre les institutions étatiques".
Moqtada Sadr, né en 1974, n'a jamais lui-même gouverné. Et s'il ne participe pas directement à l'actuel gouvernement, son Courant dispose de relais dans les ministères et les administrations.
Moqtada Sadr a connu une ascension fulgurante après l'invasion de l'Irak emmenée par les Etats-Unis en mars 2003, notamment en créant l'Armée du Mehdi, une milice "résistante" face à l'occupant.
Dans son communiqué publié lundi, il ne fait toutefois ni allusion à l'Armée du Mehdi ni aux Brigades de la paix, autre groupe armé à ses ordres, créé en 2014 après que Mossoul soit tombée aux mains des jihadistes du groupe Etat islamique (EI).
N.Fischer--NZN