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Elargir les compétences de soins des infirmières et infirmiers est présenté comme une réponse possible à la désertification médicale et au vieillissement de la population. Mais la question divise les soignants, y compris chez les intéressés.
Le ministre de la Santé François Braun évoque depuis quelques semaines un projet de "refondation" du métier. A l'issue d'un séminaire organisé au ministère vendredi, il a prévu de la faire aboutir en septembre 2024.
M. Braun doit se rendre dans l'après-midi dans une école d'infirmières du Val-d'Oise, pour prendre le pouls des étudiants et de leurs formateurs.
Le ministre a redit sa volonté de réformer le "décret d'actes", texte juridique qui encadre strictement les actes de soin que peuvent pratiquer les infirmiers. Il veut notamment introduire la notion de "missions", qui permettrait de donner une définition un peu moins limitative du métier.
L'Ordre des infirmiers soutient pleinement ce projet. "On voit bien que les compétences" attribuées aux infirmières "vont aller vers plus d'autonomie", expliquait cette semaine le président de l'Ordre, Patrick Chamboredon, lors d'un colloque organisé par cette organisation.
Avec le vieillissement de la population, "beaucoup de choses vont se jouer aux domiciles des patients, et dans les Ephad", sans qu'un médecin ne soit disponible immédiatement, soulignait-il.
Daniel Guillerm, le président de la Fédération nationale des infirmiers, est lui aussi favorable à une "réflexion sur les contours des métiers" des soignants.
"Aujourd'hui, en période caniculaire, si un infirmier trouve un patient déshydraté à domicile, il n'a pas d'autre choix que de l'envoyer à l'hôpital", faute d'avoir la compétence légale pour apporter les soins nécessaires, a-t-il expliqué.
"C'est de la maltraitance", compte tenu de l'engorgement régulier des hôpitaux, a-t-il ajouté. D'autant que des soins simples pourraient suffire dans certains cas.
- Nombreux freins -
De fait, les infirmiers ont déjà obtenu récemment des avancées vers plus d'autonomie et de responsabilités.
La loi Rist du 19 mai 2023 consacre par exemple le savoir-faire des infirmiers pour le traitement des plaies de cicatrisation et en les autorisant à prescrire les examens complémentaires et produits de santé nécessaires.
Elle permet aussi aux infirmiers et infirmières de pratique avancée (IPA, qui ont deux ans d'études supplémentaires et plus d'autonomie dans les soins) de recevoir des patients sans ordonnance, s'ils exercent aux côtés de médecins -par exemple dans des maisons de santé pluri-professionnelles.
Mais les freins sont encore nombreux pour une extension de l'autonomie des infirmiers, au premier rang desquels les organisations de médecins.
"Nous ne voulons pas que le prétexte d'équipes (de soins) soit une raison pour faire glisser des tâches notoirement médicales, qui demandent de longues années d'études et de pratiques, à des personnes qui seraient un peu moins aguerries", expliquait récemment la docteur Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux.
L'examen de la loi Rist a donné lieu à des batailles acharnées au Parlement, où les syndicats de médecins ont réussi à empêcher in extremis, grâce à l'appui du Sénat, que les infirmières en pratique avancée indépendantes, exerçant hors de toute structure médicale, puissent recevoir des patients sans ordonnance.
Et chez les infirmiers salariés, certains regardent avec beaucoup de suspicion les grandes manœuvres qui s'annoncent autour du décret d'actes.
Sans un texte fixant clairement ce que peut faire une infirmière -et par défaut ce qu'elle ne peut pas faire-, "il y a un risque d'aggravation de la subordination à l'égard des médecins" dans les hôpitaux, estime Delphine Girard, infirmière et responsable nationale à la fédération CGT Santé et Action sociale.
"La pénurie de personnels médicaux et soignants ne pourra être compensée par de nouvelles répartitions des tâches et des missions" entre les soignants, ajoute-t-elle.
X.Blaser--NZN