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Porte après porte, Lydia Heykamp martèle son message aux habitants d'un coin cossu de Virginie: après le revirement historique de la Cour suprême sur le droit à l'avortement, elle appelle à redoubler d'efforts pour que cet Etat américain interdise purement et simplement les interruptions volontaires de grossesse (IVG).
Cette militante anti-avortement de 23 ans est à l'avant-garde de la nouvelle offensive contre l'IVG aux Etats-Unis, organisée cette fois à l'échelon local après que la haute cour est revenue l'été dernier, au niveau fédéral, sur son arrêt Roe v. Wade qui garantissait un droit constitutionnel à l'IVG.
"J'étais aux anges", se rappelle la jeune femme.
Mais "ce n'était que le début", assure-t-elle, disant ne pas vouloir "rester silencieuse et les bras croisés" alors que s'engage un nouveau combat.
Après la décision de la Cour suprême, chaque Etat a retrouvé la liberté de légiférer à sa guise en matière de droits reproductifs. Certains ont promptement interdit les avortements, quand d'autres ont cherché à protéger ce droit.
"Le mouvement (anti-IVG, ndlr) est encore assez loin d'obtenir ce qu'il veut, à savoir une interdiction de l'avortement à l'échelle du pays tout entier", explique Mary Ziegler, professeure de droit à l'université de Californie à Davis et spécialiste des politiques publiques de santé reproductive.
Face à une opinion publique majoritairement convaincue que l'avortement devrait être légal dans la plupart des cas, les militants anti-avortement, à l'instar de Lydia Heykamp, ont dirigé leurs efforts vers les parlements des Etats, les tribunaux et les populations locales.
- "Il fallait y penser avant" -
La jeune femme et quelques autres militants de l'organisation Students for Life Action toquent donc aux portes de North Chesterfield, banlieue aisée de Richmond, la capitale de la Virginie.
Ils sont là pour soutenir la campagne de Mark Earley, candidat républicain aux élections locales de cet Etat de l'est des Etats-Unis et "100%" opposé à l'avortement, y compris en cas de viol ou d'inceste.
C'est aussi la position que défend Lydia Heykamp. "L'avortement est un acte de violence contre la vie humaine, et un autre acte de violence ne répare pas l'acte de violence commis contre la mère", estime-t-elle.
Les convictions de cette jeune conservatrice trouvent notamment leurs racines auprès de sa petite soeur, atteinte de trisomie 21: aux Etats-Unis, la plupart des foetus porteurs de cette anomalie génétique sont avortés.
La plupart des résidents des grandes maisons aux pelouses impeccables qui lui ouvrent leur porte veulent aussi -- au moins dans une certaine mesure -- limiter le droit à l'avortement.
Comme Ken Johnson, 71 ans, retraité de l'industrie du tabac. "Si c'est juste +J'étais saoule samedi soir et j'ai oublié de prendre la pilule+, je suis désolé mais il fallait y penser avant", dit-il à l'AFP, couvrant les aboiements de ses deux petits chiens restés dans sa maison.
Mais "si un crime a été commis, pas de problème", précise-t-il à propos des grossesses survenant après un viol ou des actes incestueux.
Pour Shirley Miller, une enseignante à la retraite bientôt octogénaire, la santé de la mère doit parfois prendre le dessus sur celle du foetus, comme dans le cas d'une petite fille de 10 ans tombée enceinte dans l'Ohio après avoir été violée.
Cette tragédie a provoqué l'été dernier l'indignation aux Etats-Unis après que la fillette a dû se rendre dans un autre Etat pour avorter, l'Ohio ayant interdit la pratique de l'IVG après six semaines de grossesse.
"Dans ce cas, je suis de tout coeur d'accord avec l'avortement", dit-elle à l'AFP: "Quelle enfant de 10 ans devrait-elle être mère?"
- Stratégie évolutive -
Les militants anti-avortement adaptent leurs objectifs localement, en fonction des Etats, visant ici l'interdiction totale, là une limitation aux premières semaines de grossesse.
"Nous proposons des textes de loi dont nous pensons qu'ils seront adoptés dans un Etat, mais qui ne passeraient peut-être pas dans d'autres", explique Laura Echevarria, directrice de la communication d'une vaste organisation anti-IVG, National Right to Life.
Le mouvement cherche aussi à accroître l'aide offerte aux femmes enceintes dans les centres dits "de crise", la plupart du temps affiliés à des organisations religieuses, où on leur offre des services médicaux limités et où on leur déconseille surtout d'avorter.
Voilà dix ans que Justine Norman, 34 ans, a passé la porte d'une telle clinique, à une heure de route à l'est de Washington.
Se débattant alors avec une addiction et peinant à boucler les fins de mois, elle envisageait d'avorter. Mais "grâce aux conseils reçus et aux bénévoles", elle dit à l'AFP avoir renoncé, décision qui la remplit à présent de joie.
La jeune femme se définit aujourd'hui comme opposée à l'avortement.
A.Senn--NZN