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Avant même des affaires emblématiques comme celle de Mazan, les signalements de soumission chimique ont bondi en France et des médicaments psychoactifs sont souvent en cause, observe l'agence du médicament, qui souhaite des mesures des laboratoires pharmaceutiques pour réduire le risque de détournement de produits.
Coïncidence: l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui souhaitait insister sur la soumission chimique avant les festivités de fin d'année, a communiqué au lendemain de la condamnation de Dominique Pelicot et de 50 autres hommes pour les viols subis par Gisèle, assommée d'anxiolytiques par son mari.
La soumission chimique désigne "l'administration d'une substance psychoactive à une personne, sans qu'elle en ait connaissance ou sous la contrainte, dans le but de commettre un délit ou un crime, comme un vol, une agression sexuelle, un viol…", rappelle l'agence. Le produit peut être ajouté à une boisson, à de la nourriture, injecté avec une seringue.
Si le nombre de cas reste difficilement quantifiable, une enquête annuelle "soumission chimique" - menée depuis 2003 par le réseau national d'addictovigilance sous la tutelle de l'ANSM - cherche à identifier les substances impliquées, les types d'agressions et leur contexte, etc.
Sa dernière édition "montre un fort accroissement" : 1.229 signalements de soumission chimique suspects en 2022, contre 727 en 2021, et 539 en 2020, a résumé à l'AFP Céline Mounier, adjointe au directeur général adjoint chargé des opérations à l'ANSM.
Cela constitue "une augmentation exponentielle des signalements suspects (+69,1% sur un an)", dans le contexte du "mouvement européen de libération de la parole #balancetonbar #MetooGHB" depuis l’automne 2021, de la réouverture des discothèques en février 2022 après les restrictions Covid, et d'un plan gouvernemental "anti-GHB", selon les résultats de l'enquête.
Les données ne sont cependant que la partie émergée de l'iceberg.
"En pharmacovigilance, et singulièrement en addictovigilance, il y a une sous-notification de cas" liée à "des sujets sensibles" et, pour la soumission chimique, à la nécessité d'"en avoir conscience et de faire des démarches", a précisé Céline Mounier.
Les agressions sexuelles sont toujours les signalements suspects les plus mentionnés en 2022, chez les femmes (63,9%) encore plus que chez les hommes (33,3%), suivies des tentatives de soumission chimique (9,6%), des vols (7,1%), des violences physiques (5,1%).
La substance est le plus souvent un médicament (antihistaminique, sédatif, benzodiazépine, antidépresseur, opioïde, kétamine…), mais parfois autre (MDMA, cocaïne, 3-MMC, GHB et ses dérivés, alcool).
- "Beaucoup à faire" -
En 2022, les médicaments psychoactifs ont représenté "56,7% des substances impliquées".
Face à "l'enjeu de santé publique", l'ANSM a annoncé vendredi un travail avec les laboratoires commercialisant des médicaments susceptibles de servir à une soumission chimique pour limiter leur détournement.
"Début janvier, nous enverrons un courrier aux industriels pour leur demander de proposer des modifications des médicaments rendant plus difficile leur détournement ou alertant les victimes potentielles", en jouant par exemple sur l’aspect visuel (colorant ou texture inhabituelle), un goût ou une odeur identifiables, a expliqué Céline Mounier.
Dans le passé, a-t-elle précisé, des changements ont été apportés "au cas par cas" à des médicaments liés à des soumissions chimiques, "le rohypnol et le rivotril", avec "l'ajout d'agents colorants".
L'ANSM a aussi sollicité ses homologues européens pour partager les bonnes pratiques.
Au-delà, "après l'affaire tragique de Mazan, peut-être que nous aurons davantage de signalements", a jugé Céline Mounier.
Lancée mi-octobre, la plateforme téléphonique du centre d'addictovigilance de Paris reçoit déjà quantité d'appels de femmes redoutant d'avoir été droguées ou de médecins craignant d'avoir mal diagnostiqué une soumission chimique.
Le 25 novembre, Michel Barnier, alors Premier ministre, a annoncé le remboursement par l'Assurance maladie de kits de détection "dans plusieurs départements", à titre expérimental.
"Il y a beaucoup à faire", a insisté en janvier auprès de l'AFP Caroline Darian, la fille de Gisèle Pelicot et fondatrice de l'association "M'endors pas", appelant à former davantage les soignants ou à sensibiliser à l'importance des analyses toxicologiques et des plaintes.
Et "il faut que les gens comprennent que ce n'est plus seulement quelque chose que l'on met dans un verre, ça peut se trouver dans la pharmacie familiale", a souligné vendredi l'un de ses frères, David.
En cette fin d'année, l'ANSM a rappelé pour sa part les mesures de prévention, "en particulier en milieu festif".
P.E.Steiner--NZN