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Après deux ans de polémiques, l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection (IHU) s'apprête à tourner la page Didier Raoult à Marseille, avec la nomination du Pr Fournier, candidat interne et grand spécialiste des maladies infectieuses. Mais certains doutent que cette nomination soit vraiment synonyme de changement.
Mardi, le conseil d'administration puis sa présidente ont validé la proposition de la commission de sélection présidée par l'ex-patron de Renault, Louis Schweitzer.
Le 1er septembre, le nouveau directeur de l'IHU sera Pierre-Edouard Fournier et non plus le controversé Pr Raoult.
Sur 18 votants, outre un vote contre et un vote blanc, les trois représentants de l'Etat se sont abstenus, sans explication, a-t-on appris auprès d'un membre du CA souhaitant rester anonyme.
L'IHU, qui recherchait un "éminent chercheur aux succès spectaculaires" et à la "réputation sans faille", est donc allé puiser dans ses troupes avec ce médecin biologiste qui a débuté sa carrière avec un directeur de thèse nommé Didier Raoult et a continué sous sa direction.
Mais "le passé, c’est le passé, maintenant l'IHU regarde vers l’avenir", a plaidé la première adjointe de la mairie de Marseille, Michèle Rubirola.
"Il y a un outil exceptionnel fabriqué par un homme hors norme. Pour le remplacer, c'était compliqué, après deux ans de turbulences. L'IHU doit retrouver sa crédibilité scientifique et internationale", a analysé de son côté un autre membre du CA, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier, auprès de l'AFP.
Sur les réseaux sociaux, des proches de Didier Raoult faisaient pourtant mine de se féliciter de cette nomination. Et Didier Raoult tweetait, énigmatique, "échec et mat".
Créé par le Pr Raoult en 2011, l'IHU était secoué depuis plus de deux ans par des polémiques incessantes, notamment autour de la figure hyper-médiatique de son directeur, accusé de "charlatanisme" par certains de ses pairs pour avoir fait la promotion, sans validation scientifique, d'un traitement du Covid à l'hydroxychloroquine.
- "Logique de soumission" -
En décembre, il avait ainsi reçu un blâme de l'ordre des médecins pour avoir communiqué "des informations qui ne s'appuyaient sur aucune donnée confirmée". Les accusations de "charlatanisme" avaient cependant été écartées, de même que celles de prises de "risque injustifié" pour les patients.
Louis Schweitzer, désormais membre du CA de l'IHU, a en tous cas assuré mercredi, lors d'un point presse, que ce n'était "pas le choix de la continuité, mais le choix d'un changement d'orientation rapide".
François Crémieux, directeur général de l'AP-HM (hôpitaux marseillais), a aussi voté pour cette nomination et souhaité dans un communiqué "un retour à un management et une éthique scientifique irréprochables".
Dès le début de la crise du Covid-19, le Pr Fournier avait pris la tête du puissant laboratoire de tests PCR de l'IHU, un des premiers à avoir réussi à dépister à grande échelle.
Au sein de l'institut, il fait partie de l'équipe Vitrome (Vecteurs – infections tropicales et méditerranéennes) qui surveille les maladies infectieuses au niveau local mais aussi des voyageurs et est également responsable des plateformes séquençage et de la biobanque de l'IHU.
Etant donné ses "liens" avec Didier Raoult, le CHSCT de l'Université Aix-Marseille, un des membres fondateurs de l'IHU, avait annoncé dès mardi "réprouver" ce choix qui ne marquerait pas "de rupture dans le mode de gouvernance".
Interrogé par l'AFP, le président de l'université Eric Berton, également au CA de l'IHU, a dit "prendre acte de cette nomination", mais rester "vigilant". M. Fournier "est celui qui ne crée pas du tout d'animosité par rapport à d'autres élèves de Didier Raoult", veut croire Renaud Muselier.
Le Pr Fournier réussira-t-il à balayer ces réserves et à imposer son autorité après Didier Raoult ? Celui-ci ne sera en tout cas "plus dans les murs", a insisté M. Schweitzer, assurant que l'ancien directeur n'était "à aucun moment intervenu" dans le choix de son successeur.
L'IHU devra aussi tirer les conséquences de deux rapports, de l'Agence nationale de sécurité du médicament et de l'Inspection générale des affaires sociales. L'ANSM a notamment relevé "de graves manquements à la réglementation des recherches impliquant la personne humaine".
L'Inspection générale des affaires sociales a elle dénoncé "une logique de soumission" mise en place par le Pr Raoult.
Selon M. Schweitzer, le Pr Fournier s'est engagé à "la mise en application des recommandations des inspections en cours", avec notamment "la fin de la course à la quantité d'études publiées". Ce sera aussi la fin a priori de la communication via YouTube, où les vidéos de Didier Raoult ont été vues des millions de fois.
W.F.Portman--NZN